Internet : « Maghrébin », « Sioniste », « Africain »… ces mots-clés confisqués par les racistes
Sur la toile, la haine a le vent en poupe. Désormais, chaque sujet d’actualité – ou presque – est l’occasion pour une foule d’internautes de verser dans le racisme, l’antisémitisme ou encore l’homophobie. Et les garde-fous déployés peinent à contenir ce flot d’injures.
Plus personne ne peut l’ignorer. Internet, au-delà du nombre considérable de ses aspects positifs, est malheureusement de plus en plus violent. Il ressemble même parfois, à la lecture des commentaires sur les sites d’actualité, à un véritable défouloir.
Et les plateformes françaises ne sont pas en reste, loin de là. Alors que, après des élections européennes qui ont consacré le Front national (FN), Marianne continue de se demander si elle est raciste, la question ne se pose déjà plus pour une partie de ses internautes, certes minoritaire, mais tristement active.
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Jugez plutôt. Selon les chiffres de la société Netino, qui modère plusieurs millions de commentaires chaque mois sur les principaux sites d’information français, environ 20% de ces contenus sont supprimés. Ce qui peut paraître énorme. Pourtant, ce chiffre est plus que doublé, voire triplé, dès lors que le commentaire examiné contient les mots suivants : "Maghrébin", "Africain", "Immigré", "Islam", "Arabe", "Musulman", "Sioniste".
"Tous les messages que nous rejetons le sont parce qu’ils sont racistes ou ont une connotation raciste. Cela concerne entre 27 % et 30 % des commentaires pour un article consacré à un fait divers", analyse dans le Monde David Corchia, le président de Concileo, une société qui modère 4,8 à 6 millions de commentaires par mois
"Cass’toi pôv’ con"
Le nombre de contributions n’a pas flambé outre mesure ces dernières années mais le vocabulaire s’est considérablement dégradé, notamment lors du "mariage pour tous" où la ministre de la Justice a fait figure de cible parfaite pour la haine homophobe et raciste. "Il y a un avant et un après ‘mariage pour tous’", constate Jérémie Mani, fondateur de Netino.
Il y a un avant et un après "mariage pour tous"
Il faut dire que, depuis quelques années, la libération de la parole politique n’a pas favorisé le débat sur Internet. "Quand vous avez un président qui lance "Cass’toi pôv’ con" devant les caméras, il est difficile de demander ensuite aux internautes un comportement exemplaire", explique ainsi Jérémie Mani. "La parole politique est plus libre aujourd’hui, notamment depuis que Twitter s’est imposé et que les personnalités recherchent le bon mot sans forcément réfléchir", ajoute-t-il.
Difficile également de s’étonner de la montée d’un vocabulaire haineux lorsque le président d’honneur du premier parti français au Parlement européen affirme vouloir régler le problème de l’immigration avec "Monseigneur Ebola". Dans la foulée de la déclaration de Jean-Marie Le Pen, pendant deux à trois jours, plus de 55% de messages comportant le terme "Ebola" ont été supprimés, selon la société Netino, alors que, pendant l’épidémie de mars et avril, le taux de rejet était inférieur à 30%.
Ce sont désormais de véritables commandos numériques qui sévissent, en particulier à l’extrême-droite, afin de polluer la toile. L’enjeu : être les premiers à poster afin d’influencer le cours du débat sous un article. Et ça marche. Un exemple ? Mentionner Christiane Taubira sous un article économique consacré au cours de la banane. Résultat : sujet détourné, débat pourri, à la racine.
L’anonymat ? Pas seulement…
Pourquoi cette banalisation du racisme sur internet ? "Le premier facteur est l’anonymat, qui confère un sentiment d’impunité et libère la parole", analyse un rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) dans son rapport annuel publié en 2013.
Le premier facteur est l’anonymat, qui confère un sentiment d’impunité et libère la parole
Pourtant, cela n’explique pas tout. "Sur Facebook, les utilisateurs utilisent pour la plupart leur véritable identité, pourtant, il y a peut-être encore davantage de commentaires haineux", explique Jérémie Mani qui affirme que bon nombre sont fiers de donner leur avis, si nauséabonds soit-il.
"On a compris que cette minorité empêchait la majorité silencieuse de rentrer dans le débat", ajoute Jérémie Mani, qui affirme que les chartes de modération imposées par les sites d’information sont aujourd’hui de plus en plus sévères. La sévérité comme seule arme de prévention sur le net ? Certainement, en attendant que la classe politique donne l’exemple.
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Par Mathieu OLIVIER
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