Je parle le bassa 2.0
Stéphie-Rose Nyot, est une jeune femme française d’origine camerounaise de 25 ans. Après avoir travaillé à l’étranger pour l’Unesco et Usaid, elle termine actuellement une maîtrise communication et éducation au Canada. Elle est à l’initiative de la page Facebook "Je parle le bassa 2.0", qui a pour but de mettre en lien les personnes souhaitant apprendre le bassa.
La mondialisation, accélérée par l’usage des nouvelles technologies de communication, a pour effet de favoriser les cultures dominantes et de marginaliser un patrimoine inestimable constitué par les langues nationales jugées non commerciales.
Lorsque je vivais avec mes parents, mon oreille bassa était bel et bien présente, il m’était possible de comprendre diverses phrases, d’y répondre et d’en formuler moi-même. Aujourd’hui, ayant quitté le cocon familial depuis bientôt cinq ans, loin de réelles opportunités d’entendre et de pratiquer le bassa, je me suis rendue compte que je perdais rapidement les bases fragiles que j’avais pu rassembler jusqu’ici.
La prise de conscience de cette distanciation, mais aussi mes différents voyages et mes expériences personnelles m’ont conduit à un questionnement sur mes origines, mon identité et ma culture. Afin de répondre à cette soif de connaissance, je fis donc quelques recherches sur le web, en quête de cours de bassa. Les rares sites consacrés au sujet n’offraient qu’un contenu plat, présentant une langue figée, morte pour ainsi dire.
Et pourtant la demande était bien présente. Plusieurs fois j’ai atterri sur des forums où des Français d’origine camerounaise, ou bien même des Camerounais résidant au Cameroun, se questionnaient sur la nomination de tel ou tel mot en langue bassa. J’ai même lu des commentaires de personnes mariés à des Bassa, ou encore ayant des demi-frères ou amis bassa, en quête de réponses.
C’est pourquoi j’ai décidé il y a quelques mois de créer la page Facebook Je parle le bassa 2.0, qui comme son nom l’indique, a pour but de donner des cours de bassa basiques en ligne et gratuits en mettant en liens les internautes. L’accueil positif qu’a reçu la page démontre une prise de conscience collective et une envie de préserver cette langue.
Mais le cas du bassa est loin d’être isolé. Il est facile de constater qu’il existe peu de dictionnaires et de livres permettant l’apprentissage de ces langues nationales. Sur les 2 000 langues que compte l’Afrique, quelques-unes seulement jouissent d’un effort littéraire manuscrit. Et à l’échelle de la planète, selon l’Unesco, on dénombre environ 3 000 langues en péril (dont 230 éteintes depuis 1950).
C’est pourquoi il est aujourd’hui urgent et nécessaire de protéger ce patrimoine pour que les générations à venir puissent en profiter, mais aussi pour ralentir une homogénéisation globale des individus, dont j’ai moi-même fait l’expérience.
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