François Hollande, le Front national et le séisme électoral du 25 mai

Samy Ghorbal est journaliste à Jeune Afrique.

François Hollande est, comme Nicolas Sarkozy, disqualifié aux yeux de l’électorat populaire. © AFP

François Hollande est, comme Nicolas Sarkozy, disqualifié aux yeux de l’électorat populaire. © AFP

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  • Samy Ghorbal

    Samy Ghorbal est ancien journaliste de Jeune Afrique, spécialiste de la Tunisie.

Publié le 26 mai 2014 Lecture : 3 minutes.

Le Front National est aujourd’hui le premier parti de France. Ce n’est ni une surprise ni un accident. Le ressentiment anti-européen est aujourd’hui partagé par une écrasante majorité de Français, ceux qui se sont exprimés hier, et ceux, encore plus nombreux (57 %), qui n’ont pas voulu voter et qui, en s’abstenant, ont adressé un message de défiance aux personnalités politiques, qui ne les représentent plus. Face à ce séisme, car c’en est un, François Hollande, le président de la République, doit prendre ses responsabilités et dire aux Français ce qu’ils ont envie d’entendre : "Je vous ai compris".

Nicolas Sarkozy avait su le faire lors de sa campagne présidentielle victorieuse en 2007. Il l’avait fait à sa manière, démagogique, nauséabonde et odieuse, en agençant son discours autour des thèmes "des valeurs", de la sécurité, de l’identité nationale et de l’islamophobie. En montrant aux mécontents qu’il était à leur écoute, au diapason de leurs angoisses, il avait réussi à siphonner le vote FN et celui des populistes. Sarkozy avait engrangé l’un des meilleurs résultats d’un candidat de la droite "classique" au premier tour .

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"Tromperie sur la marchandise"

Son comportement et la politique ultra-libérale qu’il a mise en œuvre au cours des cinq années de son mandat l’ont ensuite disqualifié auprès de l’électorat populaire, qui a découvert qu’il y avait eu "tromperie sur la marchandise". Aujourd’hui, Hollande est confronté à une problématique à la fois très similaire (faire baisser le vote des extrêmes, enrayer la montée de l’abstention) et très différente. Car le débat actuel porte moins sur l’immigration ou l’insécurité que sur l’Europe telle qu’elle se construit, cette Europe du libre marché et du libre-échange, terriblement anxiogène, jugée responsable du délitement de l’industrie et du modèle social français, et de la perte d’identité qui en découle. Vrai, faux ? Aucune importance : en politique, c’est la perception qui prime, et l’Europe se situe aujourd’hui exactement au point de convergence de toutes les peurs et les angoisses.

Le nier, c’est nier l’évidence. Alors que faire ? François Hollande doit reprendre l’initiative et faire bouger les lignes, sinon il sera balayé aux prochaines élections. Son "Pacte de responsabilité" et son plan de 50 milliards d’euros d’économie ne sont évidemment pas la bonne réponse. On ne répond pas à une crise de la représentation par un acte de gestion, aussi indispensable soit-il. Hollande doit poser un acte politique fort, un acte "gaullien".

Hollande doit dénoncer le traité de libre-échange transatlantique en préparation, sans s’embarrasser de précautions oratoires ou diplomatiques.

Il doit dénoncer le traité de libre-échange transatlantique en préparation, sans s’embarrasser de précautions oratoires ou diplomatiques. Il doit dire très vite, sans attendre : "Français, chers compatriotes, je vous ai compris, j’ai entendu votre message. L’Europe, telle qu’elle se construit, vous inquiète, donne le sentiment qu’elle s’attaque aux fondements de notre modèle social et économique, de notre tissu industriel. L’Europe vous donne le sentiment qu’elle menace au lieu de protéger. Il y a peut-être une part d’exagération dans le ressenti que vous exprimez avec force à chaque élection ou presque depuis 2005. Mais il y a aussi, indiscutablement une part de justesse et de vérité. Sans doute les choses sont-elles allées trop loin. Ces craintes, il faut les entendre. Il ne faut pas seulement les entendre, il faut y répondre. Aujourd’hui, je vous annonce que j’ai décidé, au nom de la France, d’interrompre définitivement les négociations sur le traité de libre-échange transatlantique. J’expliquerai cette décision de souveraineté à mes partenaires européens et à la Commission. La situation politique en France ne nous autorise pas à aller plus avant dans cette voie, rejetée par une majorité de nos concitoyens".

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Coup de maître

En disant et en faisant cela, Hollande provoquerait la stupeur, et pourrait même renverser en sa faveur une situation très compromise. Ce serait un coup de maître. Il ferait taire les contestataires de la gauche du PS et récolterait les applaudissements de la gauche de la gauche. Il placerait l’UMP dans une situation terriblement embarrassante, face à un dilemme cornélien. Et il priverait le FN d’un de ses arguments électoraux les plus porteurs. Il se réinstallerait au centre du jeu. Je doute personnellement qu’il ait la lucidité et le courage de le faire, mais on peut toujours rêver…

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