Bénin : le mastodonte et les moustiques

Face au poids lourd de l’ORTB, dont elles s’emploient à grignoter des parts d’audience et de marché publicitaire, les chaînes privées jouent leur va-tout. En se spécialisant.

Charbel Aïhou, présentateur du journal télévisé de Golfe TV. © Valentin Salako pour J.A.

Charbel Aïhou, présentateur du journal télévisé de Golfe TV. © Valentin Salako pour J.A.

Publié le 5 juin 2014 Lecture : 3 minutes.

Ce n’est pas un scoop : en matière de télévision, l’audience est reine. Elle motive le choix des programmes, constitue le critère primordial pour les annonceurs et permet de comparer le succès des différentes chaînes. Or, au sud du Sahara, les mesures d’audience sont rares. Plus encore au Bénin.

Les derniers chiffres, recueillis en 2009 par Canal France International (CFI) et le spécialiste français d’études d’opinion TNS Sofres, servent toujours de référence aux journalistes et responsables de programmes, qui les reprennent fréquemment. L’ORTB, la télévision publique, arrive ainsi au premier rang des chaînes les plus regardées, avec près de 35 % de part d’audience. Ce qui concorde avec l’enquête réalisée quelques mois auparavant par l’institut Immar Research & Consultancy, qui évaluait par ailleurs les trois principales chaînes privées, Canal 3 (25 %), Golfe TV  (16 %) et LC2 (13 %).

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Qu’en est-il aujourd’hui ? Nul ne connaît réellement l’état des forces en présence. Alors, tout le monde a sa petite idée… qui l’arrange, le plus souvent. "Nous sommes la première chaîne d’information du pays en termes d’audience", affirme par exemple Ismaël Soumanou, patron du groupe de presse La Gazette du Golfe, dont fait partie Golfe TV. Un point de vue que réfuterait sûrement Stéphane Todomè, directeur général de l’ORTB, qui ne voit pas vraiment des "concurrentes" en ces chaînes privées : "Pour la plupart, elles n’ont pas beaucoup de programmes. Juste quelques émissions, sinon elles ne passent que de la musique…"

>> Lire aussi : Bénin – médias : chaînes privées recherchent financements

Le secteur de la débrouille

L’ORTB – qui fut longtemps la chaîne unique avant la libéralisation de l’audiovisuel, en 1997, et reste la seule à disposer d’une véritable couverture de l’ensemble du territoire national -, tient à conserver son avance historique tandis que les chaînes privées tentent de lui grappiller des parts d’audience et de marché publicitaire.

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Face au mastodonte ORTB – qui, selon son patron, emploie 700 personnes, dont un tiers de fonctionnaires, et dont les investissements et les équipements sont financés par l’État -, les chaînes privées ont chacune leur créneau. LC2, orientée vers le divertissement, est presque uniquement musicale. Golfe TV se consacre à l’information en continu. Canal 3 a opté pour un modèle plus hybride – de loin le plus apprécié – mêlant actualité, magazines et divertissement. Quant à la nouvelle chaîne publique BB24, lancée en juillet 2013, elle est surtout "un complément de l’ORTB, qui permet aux acteurs économiques de s’exprimer", selon Stéphane Todomè. Pour lui, la présence des chaînes privées est une motivation supplémentaire : "Lorsque je vois les recettes générées par l’ensemble de nos activités l’année dernière, soit 2,5 milliards de F CFA (3,8 millions d’euros), qui vont de l’événementiel à la vente d’espace publicitaire en passant par le sponsoring, je dirais même que nous n’avons jamais atteint un tel dynamisme." Et qu’importe si la chaîne nationale n’a jamais été autant critiquée, notamment pour la place qu’elle accorde à l’actualité gouvernementale et présidentielle…

"C’est vraiment le secteur de la débrouille", analyse Wilfrid Hervé Adoun, journaliste, consultant médias et coauteur d’une étude sur les médias béninois pour la fondation Open Society en 2013. "Les chaînes privées bénéficient de subventions publiques mais insignifiantes. Elles parviennent malgré tout à se maintenir grâce à l’ingéniosité de leurs dirigeants, mais aussi à l’aide de contrats plus qu’opaques avec certaines chapelles politiques", explique-t-il.

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Ismaël Soumanou, dont la télévision, Golfe TV, est considérée comme proche du pouvoir, parie quant à lui sur la stabilité et "une relation de confiance" avec les annonceurs, car "dans un petit pays comme [le Bénin], une fois qu’un annonceur a signé un gros contrat avec une chaîne il n’ira pas en signer d’aussi importants avec les autres, voire n’en conclura pas d’autres du tout". Désireux de faire de sa chaîne une sorte de "BFM de l’Afrique de l’Ouest", il a lancé la construction d’un studio, "plus beau, mieux équipé", qui devrait être opérationnel dans trois mois.

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