La justice française interdit la diffusion d’une interview de Patience Dabany dans « Despot Housewives »

Le tribunal de grande instance de Paris a estimé, dans une décision rendue ce vendredi, que la star de la musique gabonaise Patience Dabany, par ailleurs mère du président Ali Bongo Ondimba, « a été délibérément trompée sur l’objet de l’entretien » accordé au réalisateur Joël Soler. L’interview de l’ex-Première dame gabonaise ne sera pas diffusée.

Patience Dabany avant le match de football entre la Côte d’Ivoire et la Zambie au Stade de Libreville, au Gabon, 12 février 2012. © Francois Mori/AP/SIPA

Patience Dabany avant le match de football entre la Côte d’Ivoire et la Zambie au Stade de Libreville, au Gabon, 12 février 2012. © Francois Mori/AP/SIPA

Publié le 16 février 2018 Lecture : 3 minutes.

Le tribunal a ordonné à Day for Night, la société productrice de la série Despot Housewives, consacrée aux épouses d’anciens « despotes » diffusée en 2015 et 2017 par France Télévisions et Canal Plus, de ne pas exploiter l’entretien réalisé « sur quelque support que ce soit », et l’a condamnée à 3 000 euros à titre de réparation.

Cet entretien devait être initialement diffusé sur la chaîne Planète+ le 27 septembre dans le troisième épisode de la deuxième saison. Mais fin septembre, alertée par des articles de presse annonçant sa diffusion, Patience Dabany réagit à la veille de la diffusion. Par avocat interposé, elle met en demeure Planète+, qui appartient au Groupe Canal+, demandant l’interdiction de la diffusion. Puis, elle assigne en référé Day for Night, le 14 novembre 2017, pour « atteinte à son droit à l’image ».

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À juste titre, selon le TGI de Paris : « Ayant donné son autorisation d’exploiter son image pour un reportage présenté à tort comme portant sur les femmes ayant joué un rôle important dans la carrière politique, littéraire et même scientifique de leurs enfants, alors qu’il s’agissait en réalité, depuis le départ, d’exploiter son image dans le cadre d’une série consacrée aux femmes de dictateur », écrit Thomas Rondeau, le vice-président du TGI, dans l’ordonnance de référé consultée par Jeune Afrique.

Aux côtés de Magda Goebbels

L’épisode dans lequel apparaît Patience Dabany évoque à ses côtés l’épouse du tristement célèbre ministre nazi de la Communication, Magda Goebbels, qui empoisonna ses six enfants au cyanure à la chute du IIIe Reich, ainsi que les épouses de la dynastie Kim en Corée du Nord… Loin des Marie et Irène Curie, ou de l’ancienne présidente de la Corée du Sud, Park Geun-hye. « Des personnes aux côtés desquelles il aurait été bien plus respectable de figurer », faisait savoir son entourage lors de l’audience tenue le 19 janvier dernier.

Joël Soler et Day for Night plaidaient la défense de la liberté du public à l’information et une bonne foi dans l’organisation du tournage à Libreville, indiquant avoir fait parvenir les questions en amont de l’entretien et avoir obtenu l’accord du gouvernement gabonais pour tourner un documentaire sur Les Matriarches le titre de l’épisode incriminé.

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Un procédé jugé irrégulier

« L’objet même de l’entretien et le contexte de sa diffusion ont été à l’évidence travestis », a tranché le tribunal. Day for Night est condamné à ne pas diffuser l’entretien réalisé avec Marie Joséphine Kama, épouse de 1967 à 1986 d’Omar Bongo Ondimba, qui a présidé 42 années durant aux destinées du Gabon, et mère d’Ali Bongo Ondimba, qui a succédé à son père en 2009 au Palais du Bord de mer.

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Devenue une star de la musique gabonaise, ses tubes ont franchi de longue date les frontières du pays. Alternant variété, pop, zouk, rumba et autres rythmes locaux, certains – comme L’amour d’une mère ou On vous connaît – ont assis sa réputation jusqu’aux confins de l’Afrique de l’Ouest.

Si la cour ne conteste pas l’intérêt d’un documentaire sur Patience Dabany – « il est peu contestable que la vie personnelle et familiale des chefs d’Etat est un sujet d’intérêt général » – elle estime qu’il aurait mieux valu le faire par voie de caméra cachée ou par interpellation sur la voie publique, « autant de procédés pouvant être jugés réguliers », écrit Thomas Rondeau.

Me George Arama, l’avocat de la chanteuse, s’est félicité de l’ordonnance, la jugeant « conforme au droit ». Ni Day for Night, ni Joël Soler, ni Me François Pouget, l’avocat de la maison de production, n’étaient disponibles pour réagir au jugement et préciser les éventuels suites qu’il pourrait lui donner.

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