Ça bouge au « quartier latin » TRIBUNE SAMEDI

Lionel Kpenou- Chobli est directeur associé du cabinet Optimum Consulting.

Publié le 7 juin 2014 Lecture : 3 minutes.

Le Bénin tient sa notoriété relative de sa révolution pacifique, qui a débouché sur un multipartisme intégral, d’élections jugées exemplaires au regard de l’environnement régional et d’un climat paisible ces vingt-cinq dernières années.

S’il est vrai que, lassés d’être le Dahomey "enfant malade de l’Afrique", les Béninois ont sauté à pieds joints dans le projet révolutionnaire de Mathieu Kérékou, en 1972, résisté à la tentative de coup d’État de 1977 et accouché sans heurts du renouveau démocratique en 1990, la nouvelle génération, héritière du fruit de ces combats, bouillonne d’ambitions et de projets. Le "quartier latin de l’Afrique" est peuplé à plus de 65 % de jeunes de moins de 35 ans, nourris de rêves mais criblés de frustrations dans un monde globalisé dans lequel l’identité est en perdition, la culture diffuse et le consumérisme destructeur. Ascenseur social en panne, absence d’énergie électrique, infrastructures bancales, systèmes sanitaire et éducatif déficients avec des années scolaires amputées qui font dire à un ancien que "ces jeunes vont de la maternelle au master sans boucler une seule année de programme".

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De Malanville à Cotonou en passant par Allada, il n’y a pas une, mais des jeunesses béninoises. Telle est la réalité. Celle de la diaspora et celle de l’intérieur. Celle des métropoles bringuebalantes et celle des villages, comme excisés de leurs forces vives. Celle de l’ingéniosité et du courage et celle de l’insouciance et de la facilité. Ce Bénin va de Bertin Nahum, as de l’ingénierie médicale, aux jeunes cybercriminels qui jonglent plus agilement avec les codes de Western Union qu’avec les modules des universités. Un Bénin au taux de chômage réel de plus de 70 % chez les jeunes, mais dans lequel des fortunes heureuses se créent par le labeur de la terre ou de l’intelligence pratique.

>> Lire aussi : Mathias Hounkpé : "L’ancienne génération est depassée, la nouvelle pas encore prête"

Si nous considérons que nos pères ont vaincu sur les terres de Béhanzin la fatalité d’une Afrique des conflits, c’est que l’espérance est permise pour bâtir un "Bénin des possibles". Il s’agit, debout, dignes et déterminés, d’investir résolument dans la jeunesse, pour faire de l’acquis démocratique un levier pour le développement et non ce spectacle devenu si peu divertissant qu’il en finirait par menacer les principes fondamentaux du vivre-ensemble.

La jeunesse béninoise exige peu, peut-être est-ce là son défaut. Elle se doit, au vu des échéances qui s’annoncent et des destins qu’elles façonneront, de prendre une part active dans la vie publique du pays, de rendre incontournables ses enjeux et de s’engager pour leur concrétisation.

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L’ambition, c’est le développement, la modernisation et le progrès, impulsés, mais non pas caporalisés, par un État planificateur, organisé, décentralisé, juste et souple. La vision, c’est unir les ressources matérielles, humaines et intellectuelles, mieux les gérer et les employer au service du vrai potentiel de ce pays : plateforme logistique multimodale pour le Nigeria et l’hinterland, hub de services tertiaires (finances, commerce, tourisme, éducation) et terre d’innovation dans les énergies, l’agroalimentaire, la pharmacie, le numérique… La solution toute trouvée est d’investir massivement dans la justice politique (équilibre de la représentation), économique (lutte contre la corruption, libération des énergies) et sociale (protection de la femme, accès aux services de base), en pensant à la génération qui hissera le Bénin.

Rêves d’évolution forts et possibles si nous entendons que la Suisse a conquis le monde avec ses banques, son artisanat de luxe et son chocolat ; les Pays-Bas, avec leur organisation, leur flexibilité et leur sérieux ; Singapour ou Hong Kong, par leur ingéniosité, leur sens de l’adaptation et leur capacité à servir. En Afrique, d’autres lions se lèvent déjà. La réponse est en nous : nous sommes la réponse.

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