Gabon : la gratuité de l’accouchement entre en phase de test
Annoncée lors du discours pour la nouvelle année du président Ali Bongo Ondimba, la gratuité des accouchements dans les établissements publics de santé est entrée en vigueur le 19 février. Des questions subsistent quant aux moyens humains et matériels mis en oeuvre pour assurer l’effectivité de cette mesure très attendue.
L’affaire a fait grand bruit à Libreville, mi-février. Un nouveau-né a été gardé de force pendant cinq mois dans une clinique privée, parce que sa mère ne pouvait pas régler la facture de deux millions de francs CFA (environ 3 600 euros) pour les frais d’accouchement. Le nourrisson a finalement été remis à sa mère, mais l’émotion n’en a pas moins été forte au sein de l’opinion publique gabonaise. Une situation ubuesque en tout point, qui n’est pourtant pas inhabituelle dans le pays, de l’aveux même du ministre de la communication, Alain Claude Bilie By Nze. « Il existe malheureusement plusieurs cas comme celui-là », concède-t-il.
Et c’est justement pour éviter ce type « d’incidents malheureux » – pour reprendre le terme du ministre de la communication – qu’Ali Bongo Ondimba avait annoncé, lors de son discours du 31 décembre, la mise en place de la gratuité des frais d’accouchement et de prise en charge des nouveaux-nés dans les établissement publics de santé.
Sensibiliser
Tout est ensuite allé très vite. Dans la foulée de l’annonce du président, la ministre de la Santé Denise Mekam’ne Edzidzie a engagé plusieurs consultations dans le pays pour sensibiliser les établissements et le personnel de santé. Au programme, rencontre avec l’association des sages-femmes et de la Société gabonaise de pédiatrie, tournée de différents établissements. « L’objectif était de sensibiliser le personnel à ces nouvelles mesures, mais aussi d’évaluer les besoins matériels de chaque structure », explique la ministre.
Seulement, lors de ces consultations, très peu d’informations ont filtré quant aux moyens avec lesquels le gouvernement compte financer cette gratuité. Cette disposition est entrée en vigueur le 19 février, même si tous les cadres ne semblent pas encore être posés.
« Nous attendons encore quelques précisions mais nous avons commencé dès lundi à minuit », assure le Docteur Éric Baye, directeur du Centre hospitalier universitaire de Libreville, la plus importante maternité du Gabon.
« Nous avons déjà constaté une augmentation du nombre d’accouchements, avec 20 naissances entre minuit et midi, contre 10-12 maximum habituellement. Nous sommes en phase d’observation, voyons désormais si ce n’est qu’un hasard », ajoute-t-il.
L’objectif ces mesures est simple : faciliter l’accès aux soins pour les plus démunis. Une mesure essentielle dans un pays ou, selon le directeur du Samu social, 300 000 personnes n’y ont pas droit, mais qui soulève des questions de moyens, tant humains que financiers.
« Les établissements ne pourront pas suivre le rythme »
« Si ces femmes ne sont pas assurées, si elles n’ont pas les moyens, elles mettent leurs vies en danger avec des accouchements clandestins », explique la directrice d’un établissement public du santé gabonais. « Après, la question qui se pose pour honorer cette mesure, ce sont les moyens à notre disposition. Ici, nous n’avons déjà pas assez de kit pour gérer les patientes, ni assez d’ambulances », ajoute-t-elle.
« Nous formons de moins en moins de personnel de santé ces dernières années. Nous sommes actuellement sur une carence de 6 000 agents. Les établissements ne pourront pas suivre le rythme si nous n’avons pas plus de moyens humains et financiers pour payer les médicaments et ambulances en plus. Nous ne savons pas comment tout cela va être financé pour l’instant », poursuit Franck Biyogho Bi Mba, président du Syndicat national des agents de santé (Synas).
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