Malawi : la présidente sortante annule les élections, la justice s’y oppose

Le Malawi a basculé dans la crise politique samedi, la présidente Joyce Banda au bord de la défaite décrétant l’annulation des élections du 20 mai en raison de fraudes, une décision invalidée dans la soirée par la justice.

Le candidat à la présidence du Malawi, Peter Mutharika, le 24 mai 2014 à Blantyre au Malawi. © AFP

Le candidat à la présidence du Malawi, Peter Mutharika, le 24 mai 2014 à Blantyre au Malawi. © AFP

Publié le 25 mai 2014 Lecture : 3 minutes.

Au pouvoir depuis le 2012, Mme Banda, 64 ans, qui jouait sa survie politique, a déclaré "nul et non avenu" le scrutin présidentiel et législatif, le cinquième depuis l’instauration du multipartisme dans ce pays d’Afrique australe.

Mais, quelques heures tard, son adversaire Peter Mutharika, 74 ans, en tête selon des résultats partiels, l’a prié de faire marche arrière, avant que la Haute Cour du Malawi, saisie par la commission électorale (MEC), n’invalide la décision de Mme Banda.

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"Il est, par la présente, ordonné et demandé qu’une injonction soit émise pour empêcher (…) d’annuler le triple scrutin" présidentiel, législatif et municipal, a indiqué dans une ordonnance rendue samedi soir le juge Andrew Nyirenda.

Mme Banda affirme que de "graves irrégularités" ont été commises lors du vote, marqué par des défauts d’organisation monstrueux selon les observateurs étrangers, qui n’ont cependant pas relevé de fraudes.

"En tant que présidente, j’ai utilisé les pouvoirs que me confère la Constitution pour déclarer les élections nulles et non avenues", a-t-elle déclaré samedi, annonçant de nouvelles élections, sans sa candidature, dans les 90 jours.

Selon elle, des électeurs ont voté plusieurs fois et des urnes ont été bourrées.

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Or, selon un premier décompte partiel portant sur 30% des suffrages, Peter Mutharika, 74 ans, arriverait en tête avec 42% des voix contre 23% à Mme Banda.

Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a demandé à "tous les candidats, partis politiques et institutions au Malawi de garder leur calme et de soutenir pleinement la commission électorale dans son travail".

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Selon un communiqué de son porte-parole, M. Ban "note que les premières déclarations des observateurs du scrutin indiquent que celui-ci a été conforme globalement aux normes régionales et internationales, malgré les problèmes techniques rencontrés".

Il n’y a qu’un seul tour de scrutin dans cette bataille présidentielle. Le candidat en tête est élu. "C’est clairement illégal, anti-constitutionnel et inacceptable", a tonné M. Mutharika, lors d’un point presse, appelant ses compatriotes au calme "jusqu’à la fin de l’annonce des résultats".A Blantyre, la capitale administrative, le dépouillement s’est poursuivi samedi, malgré la décision de Mme Banda.

Jeudi, la commission électorale avait reconnu des problèmes dans le comptage électronique des votes, mais décidé de poursuivre manuellement, occasionnant des lenteurs, sans toutefois entamer la fiabilité des résultats selon son président Mason Mbendera.

Il avait mis l’attitude de Mme Banda sur le compte du "désespoir".

Ancien ministre des Affaires étrangères, ce dernier est le frère du défunt président Bingu wa Mutharika au pouvoir de 2004 à 2012, mort d’une crise cardiaque.

Il est soupçonné d’avoir tenté d’écarter Mme Banda pour confisquer le pouvoir à son profit au décès de son frère. Une enquête ordonnée depuis a conclu à des manoeuvres passibles d’une condamnation pour haute trahison.

"Cashgate"

Vice-présidente en titre bien que brouillée avec le clan Mutharika, Mme Banda avait finalement hérité du fauteuil présidentiel sans élection, conformément à la Constitution. Elle avait immédiatement voulu incarner une nouvelle ère et donné d’elle l’image d’une dirigeante intègre et courageuse, louée à l’étranger.

Paradoxalement, c’est sous sa présidence qu’a éclaté en octobre 2013 le plus grand scandale de détournement d’argent public dans l’histoire du Malawi, le "Cashgate".

Joyce Banda, qui nie toute implication, a réagi par une purge – limitée – au sommet de l’Etat. Mais les bailleurs de fonds, avec qui elle avait recollé les morceaux après la brouille des années Mutharika, ont gelé à nouveau une partie de leur aide. Or, ils financent près de 40% du budget de l’Etat.

Elle s’est aussi aliéné beaucoup de soutiens dans l’électorat en imposant une cure d’austérité et une dévaluation du kwacha, la monnaie nationale, pénalisante pour la population, déjà excédée par des pénuries en tout genre du temps de son prédécesseur.

Près de la moitié des 15 millions de Malawites vivent avec moins d’un dollar par jour

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