Documentaire : Jacqueline Gozland écrit l’histoire d’un lieu magique, la cinémathèque d’Alger

Avec « Mon histoire n’est pas encore écrite », Jacqueline Gozland réalise un film de témoignage sur un lieu qui fut le moteur de la créativité et du rayonnement du cinéma algérien. Le film, présenté au Festival d’Annaba du Film Méditerranéen, du 21 au 27 mars en Algérie, sera aussi diffusé samedi 24 février sur Ciné+ Classics.

Affiche de la Cinémathèque algérienne. Archives. © DR / Institut du Monde Arabe, Paris.

Affiche de la Cinémathèque algérienne. Archives. © DR / Institut du Monde Arabe, Paris.

Renaud de Rochebrune

Publié le 24 février 2018 Lecture : 3 minutes.

Bien que son titre ne l’indique pas, le film Mon histoire n’est pas encore écrite, réalisé par une documentariste qui habita l’Algérie et y est restée fort attachée, retrace l’histoire d’un lieu très particulier, dont la réputation fut internationale pendant plusieurs décennies : la Cinémathèque d’Alger.

Le film est construit sur toute une série de témoignages, recueillis pour une bonne part en 2015 lors de l’exposition « La Saga de la création de la cinémathèque algérienne » célébrant les 50 ans de cette institution prestigieuse. Il permet de comprendre à quel point la Cinémathèque a joué un rôle majeur dans la vie culturelle en Algérie et surtout dans l’essor d’une cinématographie nationale qui fut pendant longtemps l’une des plus dynamiques du Sud de la planète.

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Création en 1965

C’est en 1965, le 23 janvier, deux ans et demi après l’indépendance, que la cinémathèque ouvre ses portes et présente ses premiers films au 26 de la rue Ben M’Hidi, autrefois rue d’Isly, dans les locaux réaménagés de l’ancienne salle du Club, en plein centre d’Alger. Une création facilitée par Mohammed Sadek Moussaoui, plus connu sous le nom de Mahieddine, ancien responsable de la cellule « image et son » du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) pendant la guerre, et devenu après 1962 le premier dirigeant du cinéma algérien.

Animée par le très cinéphile Jean-Michel Arnold, qui obtient de la cinémathèque française – où règne alors le « père » de toutes les grandes cinémathèque mondiales Henri Langlois – le prêt de nombreuses copies de longs métrages, et dirigée par Ahmed Hocine, un enfant de la Casbah qui a étudié le cinéma à l’IDHEC (Paris), la salle devient vite un des lieux les plus fréquentés de la capitale.

La cinémathèque ne se contente en effet pas de programmer des films que le public algérien n’a pas pu voir, comme ceux d’Eisenstein ou de Chaplin, elle propose des avant-premières et organise régulièrement des conférences et des débats. Et cela sera encore plus vrai à partir des années 1970 et 1980, quand Boudjemaa Karèche – hélas absent du documentaire – prendra la direction de l’institution.

Visconti, Costa-Gavras et Godard

On peut alors rencontrer à Alger Youssef Chahine, Nicholas Ray, Joseph Losey, Luchino Visconti, Costa-Gavras ou Jean-Luc Godard venus présenter leurs dernières œuvres et échanger avec un public qui, de leur propre aveu, les bouleverse par ses réactions parfois naïves mais jamais blasées et toujours intéressantes.

Elle existe toujours aujourd’hui, mais sa réputation n’est plus fondée que sur son histoire

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Lors des grands événements culturels qui se déroulent dans le pays, la cinémathèque démontre sa vitalité, comme lors du premier Festival panafricain d’Alger en 1969, à l’occasion duquel elle présente un vaste panorama du cinéma africain en présence de tous les réalisateurs importants du Continent, d’Oumarou Ganda à Sembène Ousmane, de Paulin Soumarou Vieyra (le tout premier cinéaste africain) à Désiré Ecaré, Mustapha Alassane, Med Hondo ou l’alors tout jeune Souleymane Cissé.

C’est dans les locaux de cette cinémathèque, qui essaimera bientôt avec des « succursales » dans toutes les grandes villes d’Algérie, que de futurs cinéastes comme Merzak Allouache ou Lyes Salem – qui témoignent dans le documentaire – se familiariseront avec la cinématographie mondiale et apprendront comment se « fabriquent » les films et quels problèmes rencontrent les réalisateurs.

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Une école de cinéma

Lieu magique pour beaucoup, l’institution joue à bien des égards le rôle d’une véritable école de cinéma. D’autant qu’il s’agit d’un lieu sanctuarisé qui ignore la censure et où règne une totale liberté d’expression.

Viendront pourtant les années 1990 et la guerre civile provoquée par les islamistes. Le cinéma algérien va alors sombrer : on ne tourne presque plus de films, les salles ferment et la cinémathèque n’échappe pas au sinistre. Elle végète pendant de nombreuses années et ne se remet jamais de cette période où elle a dû réduire ses activités à la portion congrue. Elle existe toujours aujourd’hui, mais sa réputation n’est plus fondée que sur son histoire. D’autres lieux tentent de prendre la relève et de ressusciter la magie, non sans difficultés.

Mon histoire n’est pas encore écrite, de Jacqueline Gozland – Diffusé le 24 février à 19h50 sur la chaine Cine+Classics ; présenté au Festival d’Annaba du Film Méditerranéen, du 21 au 27 mars en Algérie.

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