Nigeria : à Dapchi, la crainte d’un « nouveau Chibok »

Des affrontements entre les forces de l’ordre et les habitants ont éclaté ce jeudi 22 février 2018, à Dapchi, dans le nord-est du Nigeria. Les habitants réclament des nouvelles des dizaines des 111 jeunes filles toujours portées disparues, trois jours après une attaque de Boko Haram.

Lai Muhammed, ministre nigérian de l’Information, à Dapchi, le jeudi 22 février 2018 © AP/SIPA

Lai Muhammed, ministre nigérian de l’Information, à Dapchi, le jeudi 22 février 2018 © AP/SIPA

Publié le 22 février 2018 Lecture : 3 minutes.

La police a affirmé mercredi que 111 élèves de l’internat pour filles de Dapchi manquaient à l’appel depuis une attaque menée par des combattants jhadistes lundi soir. Leur disparition a ravivé la crainte d’un « nouveau Chibok », du nom de la ville de l’Etat voisin du Borno où Boko Haram avait enlevé 276 élèves d’un internat en avril 2014, provoquant une vague d’indignation mondiale.

Annonces contradictoires

« Personne n’a vu ces filles être emmenées dans des véhicules, il est possible que certaines d’entre elles aient croisé des motocyclistes en fuyant et qu’ils les aient emmenées quelque part », a déclaré Ibrahim Gaidam pendant sa visite dans la résidence du chef de la communauté. Après que son porte-parole ait annoncé que les lycéennes portées disparues avait été « sauvées » par l’armée, mercredi 21 février 2018, dans la soirée, le gouverneur de l’État de Yobe, Ibrahim Gaidam, a finalement expliqué qu’il n’en était rien.

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Inuwa Mohammed, dont la fille de 16 ans, Falmata, est portée disparue, s’est dit « dévasté par la tournure des évènements », affirmant que sa femme venait d’être admise à l’hôpital après s’être évanouie. « Je m’étais réveillé avec le fort espoir de retrouver ma fille et ma femme avait préparé un accueil chaleureux, tout ça pour entendre (…) que toute cette histoire n’a été qu’une rumeur », a-t-il raconté.

Face à ces annonces contradictoires, des jeunes en colère ont alors dressé des barricades et incendié des pneus sur la route, caillassant le convoi du gouverneur, a constaté un journaliste de l’Agence France Presse. Plusieurs véhicules ont été endommagés par les jets de pierre, tandis que la police et les soldats pourchassaient la foule.

Des circonstances encore floues

Mais les circonstances exactes de cette nouvelle attaque et même le nombre de filles disparues restent très flous, la plupart des enseignants et élèves de ce pensionnat de plusieurs centaines de lits ayant fui dans l’obscurité à travers la brousse pour échapper aux jihadistes en entendant des coups de feu.

Une délégation du gouvernement fédéral a fait le déplacement à l’école – où elle a passé moins d’une heure – depuis la capitale Abuja, afin de rencontrer le gouverneur et des commandants militaires, avant de repartir en hélicoptère.

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Le ministre de l’Information, Lai Mohammed, n’a pas fourni beaucoup plus d’explications, précisant seulement que « certaines (élèves) ont téléphoné depuis leur cachette (…) d’autres ont téléphoné depuis d’autres endroits ». « Nous ne pouvons pas affirmer catégoriquement que « tant » de filles ont été enlevées, mais nous pouvons dire que toutes ne sont pas revenues », a-t-il déclaré aux journalistes présents à Dapchi.

J’ai entendu les filles crier dans le camion et il était clair qu’ils en avaient enlevé certaines

Selon des habitants, les insurgés, lourdement armés, ont attaqué lundi soir la localité de Dapchi, tirant en l’air et faisant exploser des grenades. Les assaillants « sont restés moins d’une heure de temps », a raconté Muhammad Kabo, un vendeur de thé, qui a dit avoir vu « environ neuf véhicules » se diriger vers l’école. Un peu plus tard, « j’ai entendu les filles crier dans le camion et il était clair qu’ils en avaient enlevé certaines », a-t-il ajouté.

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Safai Maimagani, autre résident de Dapchi, a expliqué qu’un « groupe de combattants, habillés avec des uniformes de l’armée et des turbans noirs, blancs et rouges, ont demandé à un vendeur de rue de les conduire jusqu’à l’école.»

Enjeux politiques

Le groupe jihadiste Boko Haram, dont le nom signifie « l’éducation occidentale est un péché », mène depuis 2009 une insurrection sanglante dans le nord-est du Nigeria. Ses attaques, et la répression par l’armée, ont fait plus de 20.000 morts et 2,6 millions de déplacés. Il a kidnappé des milliers de personnes, dont des femmes et des enfants, mais c’est l’enlèvement de 276 lycéennes à Chibok qui avait déclenché une vague d’indignation mondiale, donnant au groupe une tragique notoriété sur la scène internationale.

Cinquante-sept des lycéennes étaient parvenues à s’enfuir rapidement et, depuis mai 2017, 107 autres se sont évadées ou ont été libérés en vertu d’un accord passé entre le gouvernement et Boko Haram. Si les jeunes filles de l’attaque de Dapchi, ne sont pas retrouvées rapidement, ce sera un camouflet pour le président Muhammadu Buhari, élu en 2015 sur la promesse de mettre fin à l’insurrection de Boko Haram.

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