Djibouti : DP World chassé du port de Doraleh
Le gouvernement djiboutien a annoncé jeudi soir sa décision de mettre un terme au contrat qui le lie à l’émirati DP World, gestionnaire du terminal à conteneurs de Doraleh. Le pouvoir dubaïote annonce avoir saisi la Cour d’arbitrage de Londres.
Coup d’éclat ou coup de force ? La décision, annoncée le soir du jeudi 22 février par le gouvernement djiboutien, de mettre un terme, unilatéralement, au contrat de concession signé en 2006 et pour une période de 30 ans, avec l’opérateur dubaïote DP World, provoque de sérieux remous le long des quais.
Le gouvernement de Djibouti a saisi illégalement le terminal à conteneurs de Doraleh, accuse le pouvoir dubaïote
Le ton de la réponse, donnée dans la foulée par les autorités de l’émirat, propriétaire de l’opérateur portuaire, laisse même envisager un regain de tension diplomatique entre les deux pays. « Le gouvernement de Djibouti a saisi illégalement le terminal à conteneurs de Doraleh », accuse le pouvoir dubaïote dans son communiqué, tout en indiquant avoir engagé une nouvelle procédure devant la Cour internationale d’arbitrage de Londres.
Le litige entre les deux parties dure en effet depuis plusieurs années et empoisonne les relations bilatérales entre Djibouti et les Émirats arabes unis depuis 2014. Et plutôt que d’y mettre un terme, la décision djiboutienne promet, au contraire, d’en ouvrir un nouveau chapitre.
Des relations tendues depuis 2015
DP World opère le terminal depuis 2008, après avoir investi 400 millions de dollars pour sa construction. Il est géré par la société Doraleh Container Terminal (DCT), détenue à 66 % par l’Autorité portuaire djiboutienne et à 33 % par DP World qui, en 2016, annonce avoir traité plus de 900 000 conteneurs. Il est également prévu, dans le même contrat de concession, qu’un second terminal équivalent soit confié à l’opérateur dubaïote.
Avant que les relations entre les deux partenaires ne se dégradent en 2015. Le gouvernement de Djibouti remet alors en cause le contrat, accusant DP World d’avoir versé plusieurs millions de dollars de commissions occultes à Abdourahman Boreh, président de l’Autorité des ports et zones franches de 2003 à 2008. Également accusé de fraude fiscale et de détournement de fonds publics, ce dernier est parti se réfugier à Dubaï, qui refuse les diverses demandes d’extradition émises par Djibouti.
Un long bras de fer s’engage alors devant la Cour internationale d’arbitrage de Londres, les autorités djiboutiennes demandant la résiliation du contrat. Elles sont déboutées en février 2017 et DP World sort blanchi de toute accusation.
Une expropriation permise par une loi d’octobre 2017
Bien que débouté à Londres, le gouvernement n’a jamais cessé de négocier avec DP World pour revoir à l’amiable les termes de la concession et pousser l’opérateur vers la sortie. Sans succès, jusqu’à la décision radicale du 22 février.
C’est que le gouvernement dispose aujourd’hui de l’outil juridique qui l’autorise à revoir, de manière unilatérale, les contrats publics liés à la réalisation des grandes infrastructures. Cette loi, très controversée dans les milieux économiques et diplomatiques, a été adoptée en octobre par le parlement, au nom de la souveraineté du pays, comme le met d’ailleurs en avant le communiqué du 22 février, publié par le ministère de l’Équipement et des Transports. Ce dernier précise également que les pouvoirs publics djiboutiens reprennent en charge la gestion du terminal et réquisitionnent l’ensemble des biens et des personnels indispensables au fonctionnement du DCT. « Les procédures normales d’indemnisation seront mises en œuvre ». Sans plus de précision.
Et ensuite ? En attendant la décision de Londres, l’Autorité portuaire peut toujours compter sur le soutien opérationnel de China Merchants Holdings International (CMHI), entrée dans son capital en 2010, à hauteur de 23,5 %, pour 185 millions de dollars. Mais le départ de DP World rebat les cartes. Quel que soit l’heureux élu, les dés sont à nouveau jetés sur le terminal de Doraleh.
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