Afrique : 70 % des frontières maritimes encore indéterminées
Selon des experts juridiques, un tiers à peine des frontières maritimes en Afrique ont fait l’objet d’accords définitifs entre États.
La Côte d’Ivoire et le Ghana en Afrique de l’Ouest, la Somalie et le Kenya à la pointe orientale du continent, ont décidé au cours du dernier semestre de porter devant des instances juridiques internationales les différends les opposant au sujet de leurs frontières maritimes.
Cette solution de dernier recours intervient après des années de négociations bilatérales infructueuses. Mais, plus important, la question de la délimitation de leurs frontières maritimes n’a gagné réellement en importance que durant la dernière décennie, à mesure que les prospections pétrolières et gazières au large de leurs côtes ont pris de l’ampleur. Et le risque est grand qu’il ne s’agisse là que d’un début.
Une étude sur ce sujet, consultée par l’agence Reuters, a été menée par Robert Van De Poll, responsable du droit maritime au sein du groupe d’ingénierie hollandais Fugro, et David Bishopp, responsable de la stratégie de l’entreprise pétrolière portugaise Galp Energia.
L’incertitude des frontières terrestres héritées des puissances coloniales complique la délimitation des frontières maritimes.
Incertitude
Selon ces spécialistes du droit de la mer, sur la centaine de frontières maritimes entre pays africains, seulement 32 ont fait l’objet d’accords formels entre États. Pour 68 d’entre elles, les délimitations restent ouvertes à l’interprétation, en dépit des règles édictées dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS) de 1982, explique Robert Van de Poll cité par Reuters.
Cela est notamment dû aux incertitudes sur le tracé des frontières terrestres et à des conflits de souveraineté sur des territoires hérités des puissances coloniales.
Ces différends latents, non-examinés pendant des décennies, percent au grand jour en raison des appétits suscités par les perspectives pétrolières.
On peut citer par exemple le différend territorial opposant le Gabon et la Guinée équatoriale sur la souveraineté des îles de Mbanié, des Cocotiers et de Congas dans la baie de Corisco. Ou encore la longue opposition entre le Cameroun et le Nigeria au sujet de la péninsule de Bakassi.
Potentiel
L’absence d’accords définitifs entre États crée une incertitude juridique pour les entreprises pétrolières et gazières opérant au large des côtes africaines car la souveraineté du pays leur ayant accordé un permis peut être remise en question et invalidée si elle est contestée par un pays limitrophe.
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Dans la conduite de leur étude, Robert Van De Poll et David Bishopp, ont utilisé des documents militaires déclassifiés, des images satellitaires et examiné 83 bassins sédimentaires, rapporte l’agence de presse. Selon ses estimations, environ 95 milliards de barils de pétrole ont été découverts dans les 13 millions de kilomètres carrés d’eaux maritimes couvertes par la convention de 1982. Mais les réserves non encore mises à jour pourraient atteindre 70 à 80 milliards de barils.
Un potentiel qui suscite l’intérêt soutenu de l’industrie pétrolière, des géants tels que le français Total, l’italien Eni et le britannique BP aux juniors telles que l’anglo-irlandais Tullow Oil et l’américain Kosmos Energy.
Recours et conciliations
Aussi la fixation par les États africains de frontières maritimes définitives soit en concertation, soit en ayant recours aux juridictions internationales (devant des cours arbitrales, ou le Tribunal international du droit de la mer ou la Cour internationale de Justice), devient urgente.
Une autre voie est celle des zones d’exploitation communes, définies entre pays. Le Sénégal et la Guinée-Bissau se sont accordées en 1995 pour la création de l’Agence de gestion et de coopération (AGC) : 20 % des ressources maritimes revenant à Bissau, 80 % à Dakar. Il en est de même pour le Nigeria et Sao Tomé-et-Principe qui ont institué en 2001 une zone de développement conjointe de 34 500 kilomètres carrés. De la même façon, la RD Congo et l’Angola ont signé en 2004 un accord visant à l’exploration commune des eaux maritimes.
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