Les avocats internationaux tissent leurs réseaux

Limitant leurs implantations directes à quelques pays, les grandes firmes mondiales d’avocats d’affaires développent des relations privilégiées avec des cabinets locaux. Mais certaines l’affichent plus clairement que d’autres.

Les logos de quelques réseaux africains de grands cabinets d’avocats internationaux. © DR

Les logos de quelques réseaux africains de grands cabinets d’avocats internationaux. © DR

ProfilAuteur_FredMaury

Publié le 6 novembre 2014 Lecture : 2 minutes.

Sur la carte mondiale affichée sur son site internet, le dispositif africain de Dentons est impressionnant. Ce cabinet d’avocats, l’un des dix plus grands au monde, compte dix-huit ronds jaunes sur le continent africain. Autant qu’aux Etats-Unis et deux fois plus qu’en Europe… Chez Eversheds ou DLA Piper, autre géant mondial, l’affichage est tout aussi remarquable. La présence réelle de ces géants sur le continent est pourtant bien plus limitée qu’il n’y parait. Dentons ne compte réellement que trois bureaux en propre : au Caire, au Cap (et bientôt un autre à Johannesburg) et depuis quelques jours à Casablanca. DLA Piper n’en compte aucun.

Il y a sept ou huit ans, cela ne posait aucun problème aux clients internationaux de traiter des opérations africaines via des cabinets basés à Londres ou Paris.
Jean-Luc Bédos, associé chez Dentons

la suite après cette publicité

En réalité, dans ces cabinets comme chez la plupart de leurs grands confrères mondiaux, le continent reste encore bien souvent couvert depuis Paris (pour l’Afrique francophone) et Londres (pour la partie anglophone). Quelques premières implantations directes ont eu lieu : généralement au Maroc et en Afrique du Sud, plus rarement ailleurs (le cas d’Orrick qui vient de s’installer en Côte d’Ivoire restant une exception). Mais aucun cabinet ne peut imaginer un jour compter êttre physiquement présent dans les 54 pays du continent.

Identité propre

« Dans notre métier, le client commande, explique Jean-Luc Bédos, associé chez Dentons. Il y a sept ou huit ans, cela ne posait aucun problème aux clients internationaux de traiter des opérations africaines via des cabinets basés à Londres ou Paris. Cela a changé. »

Devant cette nouvelle demande de leurs clients, les internationaux cherchent donc à créer, accroître ou consolider leurs liens avec des cabinets d’avocats locaux.

la suite après cette publicité

 

Cliquez sur la carte.#000000; display: block; vertical-align: middle;" />

la suite après cette publicité

Certains sont même allés un pas plus loin, en donnant à leurs réseaux africains une identité propre. C’est le cas de Dentons, dont « les cabinets associés » apparaissent sur la carte des implantations africaines. Ou encore de DLA Piper et son DLA Africa Group, d’Eversheds qui a fondé en octobre 2013 le Eversheds Africa Law Institute, et de Clifford Chance, qui a mis sur pied au même moment la Clifford Chance Africa Academy.

« Cela nous permet de vendre un service intégré à nos clients, confirme Boris Martor, associé chez Eversheds à Paris et patron du groupe Afrique. C’est en travaillant de manière intégrée qu’on peut augmenter le nombre de ses clients, les fidéliser », ajoute-t-il précisant que les activités Afrique sont en hausse de 70 % depuis la création d’EALI. « Le nombre de dossiers référés est passé d’une centaine à 300 par an, avec 15 % qui sont désormais référés à partir de l’Afrique et non plus depuis l’international. »

—————————————–> Lire notre article sur le sud-africain ENS, qui se développe rapidement dans le reste de l’Afrique <—————————————–

Resserrer les liens

Du côté de Clifford Chance, on insiste davantage sur le besoin de « resserrer les liens avec les conseils locaux et de partager avec eux des formations pratiques dispensées par nos avocats, ce qui nous permet aussi de nous assurer de la qualité et du respect des standards », soulignent Delphine Siino Courtin et Haude Groleau, respectivement associée et Business Development Manager Afrique chez Clifford Chance à Paris. « Nous travaillons avec 200 cabinets en Afrique, expliquent-elles. Pour nous, la Clifford Chance Africa Academy permet de consolider ce réseau, pas de le créer. »

Depuis la création du Eversheds Africa Law Institute, les activités Afrique sont en hausse de 70%.
Boris Martor, associé chez Eversheds

Le cabinet convie ainsi ses partenaires africains à des réunions régulières de deux jours, au cours desquelles des formations spécifiques sont délivrées. Clifford Chance en a organisé depuis septembre 2013 au Nigeria, en Afrique du Sud, en Côte d’Ivoire, au Kenya, au Ghana, et devrait bientôt le faire au Cameroun, au Maroc et à nouveau en Afrique du Sud.

« Nous avons surtout des demandes en matière de financement de projets, de financement de fusions-acquisitions, de règlement des différents. Ces formations offrent parfois l’occasion d’aborder d’autres questions comme la manière de négocier ses honoraires ou de communiquer efficacement », explique Delphine Siino Courtin.

Dentons convie de son côté ses cabinets associés en Afrique à ses réunions mondiales. Et du côté d’Eversheds, on cultive aussi le partage d’expertise au sein d’EALI. « Il y avait un besoin d’échanges parmi les cabinets locaux avec lesquels nous travaillons, d’où la création de cet institut. Ces cabinets peuvent avec EALI se rapprocher d’un cabinet international pour tirer la qualité des services vers le haut », souligne Boris Martor, associé chez Eversheds à Paris et patron du groupe Afrique.

Je suis contre les accords d’exclusivité. Les marchés locaux en Afrique subsaharienne ne sont pas suffisamment importants pour se lier à un seul partenaire.
Marie-Andrée Ngwe, fondatrice de MAN Cabinet d’avocats (Cameroun)

Pas d’exclusivité ?

Parmi les cabinets locaux interrogés par Jeune Afrique, on ne réfute pas le besoin de formation et de mise en réseau. Eversheds, d’ailleurs, indique comme preuve du succès de son initiative avoir vu passer le nombre de membres de son réseau EALI passer de 14 cabinets en octobre 2013 à 37 cabinets dans 35 pays aujourd’hui.

Mais les locaux se méfient de toute volonté de main-mise. »Je suis contre les accords d’exclusivité entre locaux et internationaux, insiste Marie-Andrée Ngwe, fondatrice d’un des cabinets camerounais les plus en vue (MAN Cabinet d’avocats). Les marchés locaux en Afrique subsaharienne ne sont pas suffisamment importants pour se lier à un seul partenaire. »

Du côté d’Eversheds, Clifford Chance ou Dentons, on nie d’ailleurs toute volonté hégémonique, assurant ne demander aucune exclusivité aux cabinets locaux partenaires ou affiliés.

Face à la montée de ces réseaux batis par des internationaux, certains cabinets africains s’organisent. Lex Africa réunit ainsi une vingtaine de cabinets indépendants réputés tels que, pour l’Afrique francophone, Mame Adama Gueye & Associés au Sénégal ou Jurifis Consult au Mali. Parti il y a une dizaine d’années d’Afrique de l’Est, le Africa Legal Network rayonne quant à lui jusqu’au Nigeria et au Mozambique. Preuve que, de plus en plus, les liens entre avocats africains se tissent.

———–> A lire également dans Jeune Afrique en vente à partir du 9 novembre (JA n°2809) notre enquête « spécial avocats d’affaires », avec la liste des avocats d’affaires qui ont marqué l’actualité économique en Afrique francophone <text-align: center;">————–

L'éco du jour.

Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.

Image

Contenus partenaires