Makhtar Diop : « La transition au Burkina doit se faire de la manière la plus inclusive possible »

De son renoncement à briguer la présidence de la BAD à la crise burkinabè, en passant par l’épidémie d’Ebola, Makhtar Diop, vice-président Afrique de la Banque mondiale, n’a éludé aucun sujet dans cette interview accordée au magazine « Jeune Afrique ».

Makhtar Diop a été ministre des Finances du Sénégal entre 2000 et 2001. © Vincent Fournier/JA

Makhtar Diop a été ministre des Finances du Sénégal entre 2000 et 2001. © Vincent Fournier/JA

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© Vincent Fournier pour JA

Publié le 5 novembre 2014 Lecture : 4 minutes.

Propos recueillis par Stéphane Ballong

Jeune Afrique: Après une parenthèse agitée, vous avez repris le 27 octobre votre fonction de vice-président Afrique de la Banque mondiale. On ne vous imaginait pas forcément revenir à ce poste…

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Makhtar Diop : Le président et la directrice générale de la Banque mondiale ont pourtant été très clairs, lorsqu’ils avaient annoncé que j’ouvrais une parenthèse dans ma carrière pour réfléchir à un certain nombre de choses. Ils avaient bien indiqué que je pouvais reprendre mon poste si je le souhaitais. C’est ce que j’ai décidé de faire après réflexion. Il y a peut être eu des confusions dans certains esprits mais les choses ont toujours été très claires à la Banque mondiale.

Vous étiez considéré comme le plus sérieux candidat à la succession de Donald Kaberuka à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD). Pourquoi avez-vous renoncé à vous lancer dans cette course ?

Mes raisons sont purement personnelles. Briguer la présidence de la BAD est une décision hautement importante qui demande qu’on soit convaincu de ce choix au moment où l’on le fait. J’ai pensé qu’au niveau personnel, ce n’était pas encore le moment pour moi de prendre cette option. Je crois que je peux continuer à contribuer au développement de mon continent à la position qui est la mienne à l’heure actuelle à la Banque mondiale. Les soutiens que j’ai reçus de la part de nombreux dirigeants africains me confortent dans cette idée.

Je crois que je peux continuer à contribuer au développement de mon continent à la position qui est la mienne à l’heure actuelle.

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Quelle est a été la réaction de Macky Sall ?

Mon chef de l’État, le président sénégalais Macky Sall, qui voulait vraiment présenter ma candidature, a été très déçu. D’autres leaders politiques ont également exprimé le même sentiment. Mais je crois qu’ils ont compris ma décision et l’ont soutenue.

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Beaucoup d’hypothèses ont été émises sur les raisons de votre désistement. Notamment celle selon laquelle, le Nigeria, première économie du continent, vous aurait mis des bâtons dans les roues pour permettre à l’un de ses ressortissants de diriger la BAD. Que repondez-vous à cela ?

Quand des décisions comme celle que j’ai prise en renonçant à ma candidature à la présidence de la BAD sont annoncées sans explications claires, il y a toujours des interprétations.

Je rejette tout hypothèse de complots, je travaille de manière très rapprochée avec les autorités nigérianes. Je connais très bien le ministre Ngozi [Okonjo-Iweala, ministre des Finances du Nigeria et ancienne numéro deux de la Banque mondiale, ndlr] que je respecte énormément. C’est normal que le Nigeria tout comme d’autres pays oeuvrent afin que l’un de leurs ressortissants dirige la BAD. C’est légitime.

En ce qui me concerne, quel que soit le choix qui sera fait par les gouverneurs de la Banque africaine de développement, je suis prêt à travailler avec le nouveau président comme je le fais aujourd’hui avec Donald Kaberuka.

En attendant, l’Afrique doit faire face à la crise sanitaire liée à l’épidémie d’Ebola. La Banque mondiale a-t-elle des données actualisées sur l’impact de cette crise sur la croissance du continent ?

Nous sommes en train de revoir les prévisions de croissance avec le Fonds monétaire international. Aujourd’hui, nous n’avons pas encore de chiffres mis à jour mais il est clair que les prévisions initiales vont être revues en raison notamment de l’impact de cette crise sanitaire sur le secteur agricole en 2015.

Une étude préliminaire que nous avons réalisée sur la Sierra Leone montre qu’environ un quart de la force de travail dans le monde agricole ne travaille plus à cause d’Ebola. Il faut aussi prendre en compte l’impact de cette crise sur le tourisme. La haute saison va commencer dans les jours à venir ou a juste commencé dans certains pays (en début octobre) il faut collecter les dernières données dans ce secteur. Tous ces éléments doivent être compilés pour pouvoir faire de nouvelles prévisions pour l’année à venir.

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La situation au Burkina-Faso vous inquiète-t-elle ?

Nous suivons de très près l’évolution de la situation au Burkina Faso. C’est un pays où il y a eu des taux de croissance importants ces dernières années, des avancées au niveau des indicateurs du développement humain. Ces acquis doivent être préservés. Il est important que la transition politique se fasse de la manière la plus inclusive pour permettre à toutes les forces de la nation d’avoir leur mot à dire. Et de créer un consens autour des programmes de développement économiques et du développement du pays.

Nous travaillons avec nos collègues qui s’occupent des aspects plus politiques tels que les Nations unies et l’Union africaine pour voir ce que nous pouvons faire au niveau économique pour renforcer et stabiliser la situation dans le pays.

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