RDC : l’amnistie des 33 prisonniers, véritable « mesure de décrispation » ?

Outre la libération conditionnelle de Huit Mulongo, les autorités congolaises ont amnistié 33 autres prisonniers, jeudi 22 février. Une opération présentée par Joseph Olenghankoy, président du Conseil national de suivi de l’accord, comme l’application concrète des dispositions de l’accord de la Saint Sylvestre, suscitant l’indignation du Comité des familles des prisonniers politiques.

La prison de Makala, à Kinshasa, en RDC. © DR

La prison de Makala, à Kinshasa, en RDC. © DR

Publié le 26 février 2018 Lecture : 3 minutes.

Sur Twitter, l’ancien opposant Joseph Olenghankoy, devenu président du Conseil national de suivi de l’accord, s’est félicité jeudi 22 février de la libération de plus de 30 personnes « en application des mesures de décrispation inscrites dans l’accord de la Saint-Sylvestre ». « Nous remercions tous les services publics, qui se sont associés à l’exécution de l’arrêté ministériel », poursuit-il.

Une déclaration en écho à deux arrêtés signés le même jour par le ministre de la Justice Alexis Thambwe-Mwamba, qui actaient la libération conditionnelle de Huit Mulongo (un proche de Moïse Katumbi) et l’amnistie de 33 autres personnes pour « faits insurrectionnels, faits de guerre et infractions politiques ».

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D’anciens miliciens de Gédéon Kyungu ?

Des noms inconnus du grand public, qui laissent sceptique le Comité des familles des prisonniers politiques, une organisation représentant 37 familles. « D’après nos renseignements, qui sont fiables, il s’agit tous d’anciens miliciens affiliés à Gédéon Kyungu », déclare à Jeune Afrique Patricia Diomi, membre du comité et épouse du célèbre opposant Eugène Diomi Ndongala, en prison depuis 2013.

« Il y en a pêle-mêle», déclare avec une certaine ambiguïté, Joseph Olenghankoy, avant d’insister sur le fait qu’« il y a aussi des professeurs d’université, des gens de grande valeur », dont « certains ont fait 10 ans de prison, sans avoir été jugés ».

Chef de milice, Gédéon Kyungu avait terrorisé pendant plusieurs années le « triangle de la mort » – Mitwaba, Manono, Pweto – dans la province du Katanga. Condamné à perpétuité pour « crimes contre l’humanité », il a réussi à s’évader de prison en 2001, avant de finalement se rendre aux autorités en octobre 2016 vêtu d’habits à la gloire du président Kabila. Un profil a priori bien éloigné des dispositions de l’accord de la Saint-Sylvestre.

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Encore du pain sur la planche

Au volet « décrispation politique » de l’accord du 31 décembre 2016, ses signataires avaient notamment salué « la mise sur pied effective d’une Commission de Hauts Magistrats pour un examen minutieux, au cas par cas, des dossiers des prisonniers politiques et d’opinions, des bénéficiaires de la dernière loi d’amnistie, mais qui ne sont pas encore libérés, des exilés et réfugiés politiques ».

Quatorze mois plus tard, il semble que la commission en question ait encore beaucoup de pain sur la planche. À en croire l’Association congolaise d’accès à la justice (Acaj), la RDC comptait au 31 janvier 2018 très exactement 454 prisonniers politiques et d’opinion – en tenant compte des personnes exilées et de la libération conditionnelle de Huit Mulongo. Parmi eux, 181 peuvent prétendre à la loi d’amnistie votée en 2014, mais n’ont jamais été libérés.

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Libération de détenus évadés

On notera également l’absence dans la liste de l’Acaj des 33 personnes amnistiées le 22 février par le ministre de la Justice. « Ces personnes n’ont rien à voir avec la décrispation politique de l’accord de la Saint-Sylvestre, assure Me Beaupaul Mupemba, de l’Acaj. On sait également que deux d’entre eux se sont évadés de prison. » En d’autres termes, le ministre de la Justice a libéré des prisonniers qui s’étaient déjà faits la belle.

« On ne veut pas faire de la politique politicienne, déclare à Jeune Afrique Joseph Olenghankoy. Certains dossiers ont un soubassement judiciaire réelle. Mais cela n’enlève en rien l’engagement du président Joseph Kabila de les faire libérer. Au total, ils seront plus de 90. C’est une question de jours. »

Les prisonniers politiques emblématiques, comme Eugène Diomi Ndongala ou Jean-Claude Muyambo, feront-ils partie de la prochaine fournée ? « Il y a des pourparlers, assure Joseph Olenghankoy. J’utilise ma diplomatie secrète pour arriver à des résultats. Je ne veux pas qu’il y ait des vainqueurs ou des vaincus. » Cela reste à voir : la semaine dernière, le ministre de la Justice a assuré que les dossiers des deux opposants avaient été examinés à plusieurs reprises,  et qu’ils ne seront libérés « ni aujourd’hui, ni demain ».

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