Racisme : l’Algérie, terre d’écueil pour les migrants subsahariens ?
Ancienne région de transit pour les clandestins subsahariens, l’Algérie s’est muée, peu à peu, en terre d’immigration. Attirés par les grandes villes du nord, les migrants se heurtent au racisme d’une partie de la population. Une attitude parfois ouvertement encouragée par les médias algériens.
Drame ordinaire dans le Sahara. Plusieurs dizaines de clandestins ont disparu début mai dans le désert algérien. Venus du Niger, ces candidats à l’émigration n’ont laissé aucune trace dans la zone de Tamanrasset, à 2 000 km au sud d’Alger. Une quinzaine de cadavres ont été retrouvés vendredi dernier, et pour la trentaine de personnes restante, en majorité des femmes et des enfants, les espoirs sont minces.
Proche des frontières maliennes et nigériennes, Tamanrasset est le principal point de passage permettant aux immigrés clandestins de se rendre vers les grandes villes du nord du pays. Mais l’époque où les migrants ne faisaient que traverser l’Algérie pour prendre le chemin de l’Europe est révolue. Le pays est devenu une terre d’immigration pour les clandestins venus du Mali, du Niger, du Nigeria et d’autres États subsahariens. L’an dernier, le département algérien de la police judiciaire révélait que 70 % de ces migrants se stabilisent désormais dans le pays.
"Alger envahie par les Nigériens"
L’instabilité de la région n’est pas pour rien dans ce changement. Depuis le déclenchement du conflit au Mali, début janvier 2012, une partie de la population s’est réfugiée en Algérie. Au Niger, l’extrême pauvreté et l’insécurité alimentaire entraînent des départs massifs de familles entières. Le renforcement du contrôle des frontières libyennes, récemment fermées par Alger, ajouté à la multiplication des exactions contre les Subsahariens en Libye depuis la chute de Mouammar Kadhafi contraignent les populations à se diriger et s’installer prioritairement en Algérie. Par ailleurs, l’association de défense des droits humains en Algérie, Algéria-Watch, rappelle qu’une partie des migrants a recours aux faux passeports maliens, puisque des accords de libre circulation existent entre Alger et le Mali (avec le Niger également) pour des durées de 90 jours. D’après différentes études d’organisations humanitaires, il y aurait 30 000 clandestins subsahariens dans ce cas.
Autre conséquence de l’installation des migrants dans les grandes villes du nord, Alger et Oran en tête, pour y trouver travail et aumône : la montée du racisme à l’égard des populations subsahariennes. Jusqu’à une multiplication récente des unes et articles xénophobes dans la presse algérienne. Dernier en date, le quotidien arabophone Al Fadjr faisait sa couverture, dimanche 18 mai, sur les "milliers d’Africains qui ont envahi les rues de la capitale".
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Le 7 mai dernier, Algérie News hissait lui aussi le drapeau de la xénophobie. Dans un long article titré sobrement : "Alger envahie par les Nigériens", le journal a brossé un tableau sombre de la capitale qui doit faire face, selon lui, à "l’arrivée de flots de parias venus d’Afrique subsaharienne". Si le cas des réfugiés syriens ne poserait pas de "problèmes en raison de leur nombre réduit", celui des femmes et enfants venus d’Afrique subsaharienne interpelle le journaliste.
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D’après lui, "le phénomène est tout autre avec les Subsahariens venus notamment du Niger, du Tchad et qui s’entassent dans un enchevêtrement difforme de couvertures jetées à même le sol et de haillons récoltés au gré de leur comportement à travers les rues de la ville". S’appuyant sur des témoignages, il n’hésite pas à qualifier " les nouveaux arrivés" de "dangereux et agressifs" et affirme que "des centaines de Nigériens squattent les entrées des mosquées, les seuils de magasins, les gares routières, les gares ferroviaires, quémandant de l’argent."
Propos "scandaleux et discriminatoires"
Le 12 mai, c’était au tour tour du journal Echourouk de verser dans le commentaire (très) douteux. Le quotidien avance dix maladies que "les migrants subsahariens transmettent vers l’Algérie." Des clandestins "venus de 23 États africains" dont la présence "inquiète" les Algérois. Et Echourouk de pointer le "sérieux problème" des "maladies infectieuses que transmettent annuellement les 9 000 haragas (immigrés clandestins) aux Algériens. La question sanitaire est également soulignée par Al Fadjr qui accuse les arrivants de "propager les épidémies". Des propos qui ont déclenché la colère du représentant de l’Onusida à Alger. Pour Adel Zeddam, joint par l’AFP, ces articles qui établissent des liens entre la propagation de maladies comme la malaria, le sida ou le virus ébola sont "scandaleux et discriminatoires".
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