Pierre Buyoya : « La réponse au terrorisme doit venir des Africains »

La 5e réunion des chefs des services de renseignements de la région sahélo-saharienne s’est tenue mardi et mercredi à Ouagadougou, en pleine recrudescence des actes terroristes dans la région, notamment de Boko Haram au Nigeria. Interview de Pierre Buyoya, haut représentant de la Mission de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel (Misahel).

Pierre Buyoya : « Qui sont intervenus les premiers au Mali et en Centrafrique ? Les Africains. » © Viencent Fournier/J.A.

Pierre Buyoya : « Qui sont intervenus les premiers au Mali et en Centrafrique ? Les Africains. » © Viencent Fournier/J.A.

Publié le 21 mai 2014 Lecture : 3 minutes.

L’ancien président burundais Pierre Buyoya était à Ouagadougou lundi 19 et mardi 20 mai pour la 5e réunion des chefs des services de renseignements de la région sahélo-saharienne. Actualité oblige, les participants se sont surtout penchés sur le cas Boko Haram et la nécessité de "mutualiser" leurs moyens contre ces ennemis de l’intérieur. Pour le Haut représentant de la Mission de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel (Misahel), il est urgent que l’Afrique "reprenne la main" sur la gestion de la menace terroriste.

Jeune Afrique : La réunion des chefs des services de renseignements de la région sahélo-saharienne à laquelle vous avez assisté s’inscrit dans ce qu’on appelle le "processus de Nouakchott". En quoi consiste-t-il exactement ?

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Pierre Buyoya : Le processus de Nouakchott a été lancé par la Commission de l’Union Africaine le 17 mars 2013 dans la capitale mauritanienne. Au début, il s’agissait d’amener les pays voisins du Mali à coopérer avec la mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine. Petit à petit, c’est devenu un cadre de coopération régional pour les 11 pays de la région sahélo-saharienne. Nous organisons une réunion des chefs de services de renseignement et de sécurité tous les deux mois et une réunion des Ministres des affaires étrangères tous les six mois.

S’il n’y avait pas eu la Misca en décembre à Bangui, il y aurait eu un génocide !

Ces différents responsables ne communiquaient pas auparavant ?

Non, ils ne se parlaient pas. Je peux vous dire que parvenir à rassembler les chefs de services de renseignement est déjà une performance et faire en sorte qu’ils puissent se parler franchement en est une autre ! On sait, par exemple, que la situation du Nord-Mali découlait en partie des mauvaises relations entre les renseignements maliens, mauritaniens et algériens. Aujourd’hui, grâce au processus de Nouakchott, ces gens-là se parlent et parviennent même à mettre en place des mécanismes techniques qui leur permettent d’échanger quotidiennement.

Faut-il y voir la volonté de l’Union Africaine de reprendre la main sur les problèmes du Sahel ?

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Il y a une volonté ferme de lutter contre le terrorisme qui menace désormais toute la région. Durant ces dernières années, l’Afrique a affiné son organisation pour faire face aux problèmes de sécurité, en particulier après le passage de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) à l’UA. Même si elle n’est pas encore parfaite, nous avons mis en place l’Architecture africaine de paix et de sécurité (APSA). Qui sont intervenus les premiers au Mali ? Ce sont les Africains. Qui est intervenu en premier en Centrafrique? C’est l’UA avant les Nations unies. S’il n’y avait pas eu la Misca en décembre à Bangui, il y aurait eu un génocide !

Des camions remplis de jeunes filles kidnappées, ça ne devrait logiquement pas passer inaperçu !

Par ailleurs, des discussions sont en cours afin d’aboutir à la mise en place de structures militaires opérationnelles dans le Sahel car la réponse au terrorisme doit venir des Africains. Aujourd’hui, il y a un dispositif français dans tous ces pays. Nous pensons qu’il peut être appuyé par un dispositif africain. C’est encore à l’étude et si quelque chose se décide, ce sera lors de la réunion des chefs d’état-major et des ministres de la Défense qui aura lieu prochainement à Bamako.

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Actualité oblige, la réunion de Ouagadougou a surtout porté sur Boko Haram. Comment ce groupe basé au Nord du Nigeria a t-il réussi à devenir si important et dangereux pour toute la région en seulement une dizaine d’années d’existence ?

C’est une question difficile. Même s’il est aujourd’hui établi que ce groupe a des liens avec Aqmi au Maghreb et avec les Shebabs à l’Est, il semble qu’il soit effectivement composé avant tout de Nigérians du Nord. La pauvreté de cette partie septentrionale du pays par rapport au Sud est sans doute un facteur favorable au recrutement pour Boko Haram. Par ailleurs, il y a aussi un phénomène de radicalisation religieuse encouragée par certains imams. Je ne veux pas paraître trop affirmatif mais le gouvernement nigérian a sans doute aussi une part de responsabilité dans le développement de ce groupe.

Les premières mesures prises contre ces terroristes ont en effet été assez brutales et beaucoup de gens qui n’avaient rien à voir avec eux en ont été les victimes. L’opinion publique la plus répandue est que si on ne parvient pas à en venir à bout, c’est qu’il y a des problèmes au niveau de la gestion de la population. Des camions remplis de jeunes filles kidnappées, ça ne devrait logiquement pas passer inaperçu ! Il doit donc y avoir une complicité de la population qui est liée soit à l’adhésion, soit à l’intimidation, soit les deux à la fois.

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Propos recueillis à Ouagadougou par Nadoun Coulibaly et Pierre Mareczko

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