Entreprendre : Madjissem Beringaye, la tête… et les jambes

Multicarte, la Franco-Tchadienne Madjissem Beringaye a opté pour le conseil aux entreprises. Et se lance dans la production audiovisuelle.

« Ma double culture est une plus-value », explique Madjissem Beringaye. © Vincent Fournier pour J.A.

« Ma double culture est une plus-value », explique Madjissem Beringaye. © Vincent Fournier pour J.A.

Publié le 21 mai 2014 Lecture : 3 minutes.

Difficile, avec elle, de ne pas verser dans le storytelling. Madjissem Beringaye, 29 ans, en a d’ailleurs elle-même un peu conscience. Si bien qu’elle essaie, en ce début d’après-midi, dans l’arrière-salle d’un bistrot du 16e arrondissement de Paris, d’expliquer son histoire de manière plus terre à terre qu’à l’accoutumée. Il faut dire que quelques semaines auparavant elle inspirait à un journaliste une envolée lyrique mémorable : « Son mètre 88 qui vous fait vous sentir si petit, sa taille fine, sa démarche coquette, son accoutrement digne des podiums les plus glamours de Milan à Paris, une allure corporelle qui est généralement le fruit d’un régime rigoureux, sa joie de vivre assermentée par un lumineux sourire qui vous accroche de loin… »

Parlons donc peu, mais parlons bien. Madjissem Beringaye a un physique de mannequin. Soit. Mais elle est surtout une jeune entrepreneuse qui a créé fin 2012 BNM & Associés, une entreprise de conseil pour les sociétés et les investisseurs désirant s’installer en Afrique (et vice versa) sous le régime de l’autoentreprise. « J’étais en recherche d’emploi en Afrique et je me suis très vite rendu compte que ma double culture était une plus-value, explique la Franco-Tchadienne. Sachant qu’il y a actuellement un réel engouement pour l’Afrique, j’ai décidé de me lancer à mon compte. » Faire soi-même plutôt que d’attendre que cela tombe du ciel : la jeune femme semble avoir fait de ce principe son leitmotiv. Et ce depuis plusieurs années.

J’étais très fille à papa, j’ai toujours été relativement protégée et, d’un coup, tout s’est écroulé.

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Madjissem Beringaye est née à N’Djamena, d’un père enseignant-chercheur et diplomate et d’une mère directrice de centre social. De ses deux parents, qu’elle a perdus brutalement et très tôt – à l’âge de 13 ans -, elle parle aujourd’hui peu et avec une extrême pudeur. « J’étais très fille à papa, j’ai toujours été relativement protégée et, d’un coup, tout s’est écroulé, dit-elle. Et comme je ne voulais pas inspirer la pitié, je ne le disais à personne, la plupart de mes amis à l’école, par exemple, ne le savaient pas. »

Dès lors, il a bien fallu passer outre, « se blinder ». Élevée ensuite entre le Tchad et la France – par sa tante, à Houdan (Yvelines) – elle se souvient s’être dit, vers l’âge de 16 ans : « Ma petite, soit tu passes le reste de ta vie à pleurer, et cela n’a aucun intérêt. Soit tu essaies d’avoir la plus belle vie possible et tu fais tout pour y arriver. » Bac littéraire (passé au Tchad) en poche, celle qui veut alors devenir journaliste débute des études d’histoire à Lille (nord de la France). Au bout de deux ans, elle déchante et se lance dans la vie active.

Direction Paris, son microcosme, ses réseaux. Elle y rencontre journalistes, communicants, attachées de presse, construit « son » réseau, avant de se rendre compte que cela ne suffit pas… Retour à la fac, pour une licence et un master en relations internationales. « Je rêvais de stage à l’ONU, de diplomatie, dit-elle dans un éclat de rire. Et finalement je me suis retrouvée chez L’Oréal, à la communication et aux relations extérieures. D’abord en stage, puis en CDD. » Elle y restera près de deux ans, avant de lancer, grâce à ses économies et à l’aide d’amis, BNM & Associés – pour Beringaye Noémie et Marc & Associés, en hommage à ses parents disparus. L’entreprise, dont elle tait le chiffre d’affaires, est immatriculée en France et au Tchad. Elle fonctionne avec des talents (avocats, communicants, etc.) présents sur le continent et mobilisés en fonction des appels d’offres. Beringaye lance aussi l’initiative « Living the African Dream », qui encourage l’entrepreneuriat sur le continent, en formant chaque année une vingtaine de jeunes à la comptabilité, au droit et à la stratégie d’entreprise. Encore au stade préliminaire, le projet devrait être lancé en 2015.

Parallèlement, elle rencontre Sonia Rolland, Miss France 2000, d’origine rwandaise. « Méticuleuse », « intuitive », « honnête » : cette dernière ne tarit pas d’éloges sur la Franco-Tchadienne. « Nous sommes devenues très vite amies, explique Sonia Rolland. Nous nous comprenions, par nos expériences africaines et par ce désir de créer une passerelle entre la France et nos pays d’origine respectifs, le Tchad et le Rwanda. » À tel point qu’elles s’associent pour créer une société de production audiovisuelle, So Mad Productions. Leur premier documentaire, Rwanda mon amour, consacré aux progrès réalisés par le pays après le génocide, devrait sortir fin 2014. « J’ai le contact assez facile, admet Madjissem Beringaye. Et j’ai connu des personnes bienveillantes qui m’ont permis d’avancer. J’aime d’ailleurs penser que mon prénom, qui signifie « bien avec moi », influe un peu sur mon parcours. »

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Entretien du jour du 110214 Madjissem Beringaye… par telesud

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