En Côte d’Ivoire, le meurtre d’un enfant de 4 ans crée l’émoi
Le 26 février, un enfant de 4 ans était retrouvé mort, enterré, à Abidjan. Le crime a suscité de fortes réactions dans l’opinion et sur les réseaux sociaux, poussant la classe politique à s’emparer du sujet. Une marche en sa mémoire a eu lieu le samedi 3 mars.
Aboubakar Sidick Traoré habitait avec sa famille à Williamsville, un quartier d’Abidjan. Il était surnommé « Bouba » et avait quatre ans. Son corps a été retrouvé, lundi 26 février, enterré juste derrière le hôpital d’Angré, dans la capitale économique ivoirienne. Sa gorge avait été tranchée par un bijoutier bien connu et apprécié du voisinage. « Un marabout du quartier m’a dit de le tuer pour pouvoir avoir de l’argent », a déclaré à la police l’homme de 27 ans.
Les motivations précises de ce crime ne sont pas encore complètement connues. Certaines sources policières évoquent de possibles implications politiques, mais rien ne permet à l’heure actuelle de le certifier. Toutefois, la violence de l’assassinat et l’âge de la victime ont suscité de fortes réactions dans l’opinion et sur les réseaux sociaux.
Mobilisation et émotion
Samedi 3 mars, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées près du lieu où la dépouille de « Bouba » avait été retrouvée. Au milieu des anonymes, on a pu croiser ce jour-là des musiciens, comme le chanteur de reggae Kajeem, ou des hommes politiques, comme le porte-parole du Rassemblement des républicains (RDR), Mamadou Touré.
Il faut dire que la réaction de l’opinion a poussé la classe politique à s’emparer du sujet. Dimanche, la Première dame, Dominique Ouattara, s’est rendue au domicile de la famille endeuillée. Le 1er mars, le Rassemblement des républicains (RDR) avait dénoncé dans un communiqué un « crime odieux et révoltant ».
Pourquoi, à chaque fois que nous avons des élections qui se rapprochent, la société magique fait son apparition de nouveau ?
Présente le même jour, lors des obsèques de l’enfant à Azaguié, la ministre en charge de la Protection de l’Enfant et de la Solidarité, Mariatou Koné, a tenu à « rassurer toutes les familles ivoiriennes que ce crime ne restera pas impuni. L’auteur a été arrêté. En tant que ministre en charge de la Protection de l’Enfant, je veillerai à ce que justice soit rendue ».
La veille, le porte-parole du gouvernement, Bruno Koné, avait exprimé sa « compassion » au nom du gouvernement.
« Les enlèvements d’enfants, enregistrés ces derniers temps s’amplifient, sans que le pouvoir ne s’en émeuve outre mesure », avait préalablement déclaré le Front populaire ivoirien (FPI), regrettant « qu’aucune stratégie claire et d’envergure n’est mise en oeuvre pour dissuader ces criminels crapuleux et endiguer ces actes odieux, qui endeuillent les familles, le plus souvent défavorisées ».
« Consultants irrationnels »
« Pourquoi, à chaque fois que nous avons des élections qui se rapprochent, la société magique fait son apparition de nouveau ? Nous sommes dans une société où l’on est convaincu quand faisant des sacrifices humains, on peut gagner des élections. Que si l’on veut rester au pouvoir, il faut tuer des hommes », a pour sa part réagi le président du Lider, Mamadou Koulibaly.
L’enlèvement d’enfants à des fins rituelles ou crapuleuses, est en effet un phénomène récurent avant des échéances politiques importantes (remaniement, élections ou compétitions sportives importantes). Début 2015, pendant la Coupe d’Afrique des nations (CAN) remportée par la Côte d’Ivoire, une vague d’enlèvements avait crée la psychose à Abidjan.
En période pré-électorales, les marabouts de la sous-région se rendent sur place pour vendre leur service de consultants de l’irrationnel
Les autorités avaient alors évoqué la piste de « cybercriminels » et d’une « filière de crimes rituels ». Des alertes enlèvement très détaillées circulaient par SMS, tandis que sur les réseaux sociaux, des appels au meurtre des « tueurs d’enfants » étaient diffusés.
Malgré l’annonce de mesures sécuritaires par le gouvernement, la crainte n’avait pas quitté les populations quelques mois plus tard. Avant le scrutin présidentiel de octobre 2015, il n’était pas rare de croiser des barrages où des femmes fouillaient les véhicules, dans certains quartiers populaires d’Abidjan.
« C’est toujours la même chose. À l’approche des élections, ces pratiques se multiplient. C’est un business lucratif. En période pré-électorales, les marabouts de la sous-région se rendent sur place, parfois en classe affaires, pour vendre leur service de consultants de l’irrationnel. Le problème, c’est que les enquêtes n’aboutissent jamais car ces pratiques sont utilisés dans les milieux politiques », conclut Francis Akindes, professeur de sociologie à l’université de Bouaké.
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