Littérature négro-africaine : disparition de Lilyan Kesteloot, pionnière et grande militante
Elle était du cercle des chercheurs occidentaux qui comprenaient et aimaient les littératures négro-africaines. L’universitaire et chercheuse belge Lilyan Kesteloot, 87 ans, s’est éteinte ce mercredi à Paris.
Des générations successives de lycéens, d’étudiants ou de chercheurs se sont abreuvées de ses ouvrages de référence sur les littératures négro-africaines, mais aussi, et surtout, de son ouvrage phare : Anthologie négro-africaine, publié pour la première fois en 1967.
Avec la disparition de Lilyan Kesteloot, ce mercredi 28 février à Paris, à l’âge de 87 ans, les littératures négro-africaines et francophones, notamment, ont perdu une de leurs plus grandes spécialistes et défenseurs.
Des textes majeurs sur la négritude
Plusieurs de ses textes font autorité au sein du monde des spécialistes des lettres africaines : Les écrivains noirs de langue française, sa thèse de doctorat soutenue en 1961 à l’université de Bruxelles, Négritude et situation coloniale (1968), ou encore Aimé Césaire, poète d’aujourd’hui, publié en 1963.
Lilyan Kesteloot était en effet une grande spécialiste de l’œuvre littéraire du poète martiniquais Aimé Césaire, fondateur dans les années 1930, avec le Sénégalais Léopold Sédar Senghor et le Guadeloupéen Léon-Gontran Damas, du mouvement de la négritude.
C’est d’ailleurs à l’invitation du poète-président Léopold Sédar Senghor que cette Belge vint, en 1971, à la faculté des Lettres de l’université de Dakar, qu’elle ne quittera plus jamais. Mais avant de s’installer dans la capitale sénégalaise, Lilyan Kesteloot prodiguait, tour à tour, ses enseignements aux écoles normales supérieures du Cameroun, du Mali et de Côte d’Ivoire.
Défrichage du patrimoine littéraire « oral » ouest-africain
À la tête du Laboratoire de littérature orale de l’Institut fondamental d’Afrique noire (IFAN), fondé en 1936 par l’africaniste français Théodore Monod, elle accomplit un précieux et patient travail de défrichage et de collecte du patrimoine littéraire « oral » ouest-africain (Sénégal, Mali, Côte d’Ivoire, Burkina).
De nombreux travaux sont nés de ses recherches menées en collaboration avec des chercheurs africains, comme Kaïdara, récit initiatique peul, coécrit en 1968 avec l’homme de lettres malien Amadou Hampâté Ba, Contes et mythes Wolof (1982) en collaboration avec le professeur Bassirou Dieng, aujourd’hui décédé, avec qui elle écrit également Les épopées d’Afrique noire.
Une grande militante de la littérature orale africaine s’en est allée
Elle a su, inlassablement, mener de front ses travaux de recherche et l’encadrement d’étudiants. « Elle a encadré et accompagné la plupart des enseignants-chercheurs qui font aujourd’hui la fierté de l’Université Cheikh Anta-Diop (UCAD) de Dakar. Elle a toujours été disponible pour ses étudiants, mais aussi pour les autres qui la sollicitaient. Une grande militante de la littérature orale africaine s’en est allée », témoigne Mamadou Dramé, professeur assimilé à l’UCAD et directeur du département Cultures urbaines à l’Institut culturel panafricain (ICP) de Yene.
Lilyan Kesteloot était également chargée d’un séminaire à l’Université Paris-Sorbonne, en France. Elle était incontestablement, avec le professeur Jacques Chevrier, de cette même université, une des dernières militantes de ces lettres africaines et de sa diaspora, dont la richesse et l’incandescence ont été révélées au monde au plus fort de la domination coloniale, par les chantres de la négritude.
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