Usual suspects
Plusieurs personnalités, dont l’ancien président François Bozizé, ont été sanctionnées par l’ONU et Washington, qui les accusent d’oeuvrer à la déstabilisation du pays.
Pour François Bozizé, le rêve d’un retour triomphal à Bangui vient de s’éloigner brutalement. L’ancien président centrafricain, qui proclamait il y a quelques semaines encore sa disponibilité pour la future élection présidentielle en Centrafrique, a été officiellement sanctionné par le Conseil de sécurité des Nations unies le 9 mai. Lui et deux autres de ses compatriotes ont désormais interdiction de voyager et de disposer de leurs avoirs.
Le processus, porté par Paris, a été long : les onze noms un temps envisagés ont finalement été ramenés à trois. Et il a fallu quinze jours pour convaincre la Chine et la Russie de les valider – ces pays attendaient le feu vert de l’Union africaine. "Il fallait présenter des preuves matérielles pour qu’elles soient inattaquables en justice", ajoute un diplomate français. Le 13 mai, c’est Washington qui a frappé à son tour avec des sanctions unilatérales – interdiction d’entrée sur le territoire américain et gel des avoirs – contre cinq personnalités centrafricaines, dont les trois déjà sanctionnées par l’ONU.
L’ancien président, qui vivait entre Kampala et Addis-Abeba, a été condamné pour son ambition de revenir à tout prix aux affaires. Car, selon le comité des sanctions du Conseil de sécurité, Bozizé "a apporté un appui matériel et financier à des miliciens qui s’emploient à faire dérailler la transition en cours, à le ramener au pouvoir [et] qui participent désormais aux représailles menées contre la population musulmane". L’un des proches de Bozizé, Levy Yakété, est également sanctionné. On lui reproche surtout de "s’être rendu au Cameroun et au Bénin pour tenter d’y recruter des combattants et d’avoir distribué des machettes aux jeunes chrétiens sans emploi".
Nourredine Adam continue de diriger activement l’ex-Séléka
C’est à l’encontre de Noureddine Adam, chef de la police politique de l’ex-Séléka, la rébellion majoritairement musulmane, que les soupçons sont les plus nombreux. Il lui est reproché de déstabiliser le pays : "Sans la participation de Noureddine Adam [un ancien stagiaire des forces spéciales israéliennes], la Séléka aurait vraisemblablement été incapable d’arracher le pouvoir", et il continue de "diriger activement l’ex-Séléka", affirme le comité. Mais il est également accusé d’avoir participé à des exactions massives, notamment le massacre de civils dans le quartier banguissois de Boy-Rabe, en août 2013.
Cette interdiction de voyager pourrait porter un coup aux finances de l’ex-Séléka. Adam s’est beaucoup déplacé pour "recueillir des fonds" en Arabie saoudite, au Qatar et aux Émirats arabes unis, précise le comité.
Les deux autres individus sanctionnés par Washington, le chef rebelle Abdoulaye Miskine et l’ancien président de transition Michel Djotodia, n’avaient en revanche pas été proposés par Paris au comité des sanctions du Conseil de sécurité. Pourquoi cette différence de traitement ? "Djotodia a quitté pacifiquement le pouvoir et ne menace plus directement la stabilité de la Centrafrique", explique un diplomate français. En échange de son départ, en janvier 2013, les chefs d’État de la région lui avaient sans doute promis une retraite paisible au Bénin. Par ailleurs, le Tchad, qui siège au Conseil de sécurité, se serait probablement opposé à des sanctions contre son ancien protégé. "Il y a un certain équilibre à préserver, expliquait-on à l’Élysée. Hormis Bozizé, qui est un ancien chef d’État, il y a un membre de chaque camp d’incriminé." Paris espère que les sanctions auront un effet dissuasif, mais menace déjà : d’autres noms pourraient être ajoutés à la liste.
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