Présidentielle au Mali : autour d’IBK, une coalition en quête d’unité

À quelques mois de l’élection présidentielle du 29 juillet au Mali, les 64 partis politiques de la Convention de la majorité présidentielle (CMP) commencent à mobiliser leurs militants. Mais sur le terrain, c’est une unité à deux vitesses qu’on observe, entre ceux qui soutiennent déjà la candidature du président sortant IBK, et les autres…

Ibrahim Boubacar Keïta, lorsqu’il était candidat à la présidentielle de 2013 au Mali. © Émilie Régnier pour Jeune Afrique

Ibrahim Boubacar Keïta, lorsqu’il était candidat à la présidentielle de 2013 au Mali. © Émilie Régnier pour Jeune Afrique

Publié le 5 mars 2018 Lecture : 5 minutes.

Fin février, Bokary Tréta, président du Rassemblement pour le Mali (RPM), le parti du président Ibrahim Boubacar Keita, véritable colonne vertébrale de la majorité présidentielle, rentre à Bamako après un passage de quelques jours au Sénégal. « J’étais au festival Soninké, à Dakar, pour rencontrer les Soninkés maliens. Demain, je vais à Mopti, dans le centre, pour le festival des Dogons, afin de les rencontrer eux-aussi », explique-t-il entre deux coups de téléphone. Dans son bureau du quartier des affaires Hamdallaye-ACI 2000, Bokary Tréta, la voix cassée, visiblement fatigué, il nous expose la stratégie de la mouvance présidentielle : « Nous sommes à la phase de la revue des troupes, comme on dit dans le jargon militaire ».

IBK, « en phase avec la population malienne » ?

Bokary Treta, président du Rassemblement pour le Mali (RPM), le parti d'Ibrahim Boubacar Keïta. © DR / RPM

Bokary Treta, président du Rassemblement pour le Mali (RPM), le parti d'Ibrahim Boubacar Keïta. © DR / RPM

Nous avons les ressources pour porter le président IBK vers un second mandat, assure Bokary Tréta

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En 2013, le président Ibrahim Boubacar Keïta avait été élu sur la base d’une série de promesses : parvenir à libérer le pays de l’emprise des groupes armés, rétablir la sécurité sur l’ensemble du territoire, reconstituer du « vivre ensemble » et relancer l’économie.

« Nous avons réussi à réaliser des choses essentielles », affirme Bokary Tréta, qui fut notamment ministre de l’Élevage et de la Pêche sous la primature de Cissé Mariam Kaïdama Sidibé, avant le coup d’État de mars 2012, et ministre de l’Agriculture dans le gouvernement de Oumar Tatam Ly à partir de 2013.

Le président malien « est en phase avec la population malienne, malgré le chant de quelques Cassandre, et nous avons les ressources pour porter le président IBK vers un second mandat », assure encore Bokary Tréta.

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« Malgré ce qu’on dit ici et là, c’est le président IBK qui a réussi à faire signer l’accord de paix [d’Alger, signé en juin 2015, NDLR]  entre le gouvernement et les groupes armés », abonde également Younous Hamey Dicko, 78 ans, président du Rassemblement pour le développement et la solidarité (RDS). Pour lui, « il est dangereux pour le pays de changer quelqu’un comme lui, à un tel niveau d’avancement du processus de paix ».

Un enfant tient une affiche de campagne d'Ibrahim Boubacar Keïta, lors de la campagne présidentielle de 2013, à Bamako. © Émilie Régnier pour Jeune Afrique

Un enfant tient une affiche de campagne d'Ibrahim Boubacar Keïta, lors de la campagne présidentielle de 2013, à Bamako. © Émilie Régnier pour Jeune Afrique

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Comme la plupart de 64 partis politiques de la majorité présidentielle, le Rassemblement pour le Mali (RPM) a déjà son plan de campagne en vue de l’élection présidentielle. Des missions de mobilisation des militants sont même déjà en cours à l’intérieur du pays, assure son président.

En janvier, lors d’une réunion du bureau politique national, décision a été prise d’appeler le président Ibrahim Boubacar Keïta à se présenter à un second mandat. « Cette décision sera entérinée à la suite d’une réunion du comité central du parti, à la fin mars », confirme Bokary Tréta. Et ce n’est qu’après cette investiture officielle que le RPM se tournera vers les partis alliés, pour leur demander de soutenir le candidat IBK à sa propre succession.

Les hésitants et les activistes

Mais, à cinq mois de l’échéance électorale, deux camps se dessinent au sein de la majorité présidentielle : d’un côté les hésitants, de l’autre les activistes.

Younouss Hamey Dicko est à ranger parmi les seconds. Samedi 24 février, il s’est entretenu avec des leaders de son parti venus du nord du pays. Ce supporter inconditionnel du président Ibrahim Boubacar Keïta ne compte pas présenter de candidat et relaie auprès de ses militants un seul mot d’ordre : il faut voter IBK.

Le siège de l'Adema à Bamako, en 2013. © DAOU Bakary Emmanuel pour JA

Le siège de l'Adema à Bamako, en 2013. © DAOU Bakary Emmanuel pour JA

Si on ne trouve pas un candidat de consensus pour l’Adema, nous soutiendrons le président IBK

Dans le camp de l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (Adema-PASJ), deuxième force politique au sein de la majorité présidentielle, la situation est déjà plus flottante. Mercredi 21 février, le bureau exécutif a pris la décision de trouver « un candidat de consensus et rassembleur » issu du parti.

« Si on ne trouve pas ce candidat, nous soutiendrons le président IBK », affirme Tiémoko Sangaré, président de l’Adema-PASJ et ministre malien du Pétrole et des Mines. Le week-end dernier, celui-ci était dans son village Bazana, à quelques centaines de kilomètre au sud de Bamako, où il a tenu meeting avec sa base. Si l’Adema-PASJ décide finalement de soutenir IBK, ses militants poseront des conditions, assure le ministre. « Il faut que nous nous retrouvions dans le programme du président IBK, dans son plan de gestion du pouvoir et dans le rôle que nous aurons à jouer dans sa gouvernance », prévient Tiémogo Sangaré, qui compte tenir le congrès de son parti fin mars pour fixer ses militants sur la décision finale que prendra le parti.

Objectif commun : éviter un « glissement » du calendrier électoral

Housseini Amion Guindo, député CODEM de la région de Sikasso, en 2010 à Bamako. © Émilie Régnier pour Jeune Afrique

Housseini Amion Guindo, député CODEM de la région de Sikasso, en 2010 à Bamako. © Émilie Régnier pour Jeune Afrique

Nos militants n’ont pas aimé que certains, au sein de la majorité présidentielle, me traîne dans la boue

Si l’Adema-PASJ hésite encore, la Convergence pour le développement du Mali (CODEM), troisième force politique de la majorité présidentielle, en est encore, pour sa part, à l’heure de la « réconciliation » avec le RPM.

Son président, Housseini Amion Guindo – dit « Poulo » -, 48 ans, a été nommé ministre de l’Éducation en décembre, après avoir été en charge des Sports – un ministère où il a (mal) vécu les turbulents épisodes de la crise interminable qui secoue la Fédération malienne de football.

« Nous sommes dans une phase de réconciliation avec le reste de la majorité présidentielle. Nos militants n’ont pas aimé que certains, au sein de la majorité présidentielle, me traîne dans la boue parce que je n’ai pas accepté qu’ils imposent au football malien leur candidat, au détriment des lois et texte en vigueur », lâche ce natif de Bandiagara, grand de taille, qui se déplace parfois pieds nus dans son bureau ministériel.

Depuis sa nomination au ministère de l’Éducation, les relations entre la Codem et le RPM se sont sensiblement détendues. Mais cela suffira-t-il pour que « Poulo » appelle ses militants à voter IBK en 2018 ? « Il faut d’abord que le RPM investisse le candidat IBK. Et c’est après son discours d’investiture que nous donnerons notre mot d’ordre », pose le président de la Codem.

Une chose est sûre, les partis politiques de la majorité présidentielle, tout comme ceux de l’opposition, sont unanimement d’accord pour mettre la pression sur l’État afin que la présidentielle – dont le premier tour est prévu le 29 juillet – se tienne dans les délais. Objectif : éviter un « glissement » du calendrier électoral, et donc une situation de vide constitutionnel qui serait dangereuse pour la stabilité du pays.

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