Sénégal – Affaire Aïda Ndiongue devant la CREI : « Il était normal que le non-lieu soit prononcé »
La commission d’instruction de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) a rendu un arrêt de non-lieu dans l’affaire Aïda Ndiongue. Cette ancienne sénatrice du Parti démocratique sénégalais (PDS, opposition) était accusée de détournement et corruption pour un montant de 47 milliards de FCFA (73 millions d’euros). Me Seydou Diagne, son avocat, réagit à la décision pour Jeune Afrique.
Arrêtée en décembre 2013 et inculpée pour « détournement de fonds » et « corruption » en janvier de l’année suivante, l’ancienne sénatrice libérale était, depuis, sous le coup d’une instruction menée sous l’égide de quatre magistrats de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI). Ceux-ci ont prononcé un non-lieu en sa faveur le 26 février, décision qui a été notifiée à ses avocats ce lundi.
« Nous avons mené des enquêtes sur des flux financiers importants que nous avons vus. L’estimation provisoire des biens retrouvés qui appartiennent à Aïda Ndiongue, fait état de 47,675 milliards de FCFA (72,68 millions d’euros) », déclarait pourtant le procureur de la République, Serigne Bassirou Guèye, le jour de l’annonce de l’inculpation de Aïda Ndiongue, alors soupçonnée d’avoir détourné des fonds dans le cadre de la passation de marchés de logements sociaux. Le procureur ajoutait même qu’« une personne qui vit 100 ans peut, avec ce montant, dépenser chaque jour la somme de 1,3 million de FCFA ».
Quatre procédures depuis 2012
Le non-lieu clôt l’une des quatre procédures jusque-là engagées devant la CREI – une juridiction spéciale remise sur les rails par le président Macky Sall à son arrivée au pouvoir, en 2012. La plus retentissante fut l’affaire Karim Wade, au terme de laquelle le fils de l’ancien président sénégalais a écopé d’une peine de six ans de prison ferme et d’une amende de 138 milliards de francs CFA, en mars 2015, avant d’être gracié puis de partir précipitamment en « exil » au Qatar, dans la nuit du 23 au 24 juin 2016.
Autre affaire qui a défrayé la chronique, celle concernant le député et maire de Ziguinchor, Abdoulaye Baldé. Mais le dossier concernant le président de l’Union des centristes du Sénégal (UCS, opposition), ouvert en 2014, en est toujours au stade de l’instruction. Le quatrième dossier, qui eut un retentissement médiatique largement moindre, fut celui concernant Tahibou Ndiaye, ex-directeur du Cadastre, condamné par la CREI en 2015 à 5 ans de prison ferme et à 3,9 milliards de FCFA d’amende.
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Me Seydou Diagne, avocat de l’ancienne sénatrice, revient pour Jeune Afrique sur cette décision de la CREI.
Jeune Afrique : Avez-vous pris connaissance de la teneur de l’arrêt de non-lieu prononcé en faveur de votre cliente ?
Me Seydou Diagne : Pas encore, car cet arrêt de la commission d’instruction de la CREI, daté du 26 février, Ne nous a été notifié que le 5 mars. Je sais seulement que le non-lieu prononcé par les magistrats porte sur l’ensemble des charges initialement reprochées à ma cliente.
Quels ont été les étapes de la procédure ?
La CREI a été saisie en 2013, et Mme Aïda Ndiongue a été inculpée en janvier 2014, après avoir été présentée devant le juge, qui a décidé ensuite de la placer sous contrôle judiciaire. Un expert a alors été désigné. Il a travaillé pendant trois ans. In fine, les juges ont conclu leur instruction par un non-lieu.
Quelle était votre ligne de défense dans cette affaire ?
Nous avions plaidé le non-lieu, évidemment. D’abord, parce que Aïda Ndiongue n’était pas un agent de l’État, et qu’à ce titre elle n’avait pas à comparaître devant la CREI. Ensuite, et surtout, parce que les faits de corruption et d’enrichissement illicite qui lui étaient reprochés n’ont pas été prouvés au cours de l’instruction. Il était donc normal que le non-lieu soit prononcé.
Une chose importante mérite d’être soulignée : le procureur lui-même était sur la même ligne que nous. Il réclamait, lui aussi, le non-lieu.
Lors de son inculpation, le procureur reprochait pourtant à Aïda Ndiongue d’avoir détourné 47 milliards de FCFA (73 millions d’euros). Comment l’accusation était-elle parvenue à ce chiffre ?
La somme avait été calculée sur la base des avoirs de Mme Ndiongue et sur les marchés qu’elle avait passés lorsqu’elle était en situation de responsabilité. Or, l’enquête a démontré que tout était transparent, et qu’il n’y a pas eu d’enrichissement illicite.
Vous avez également défendu Karim Wade devant la CREI. À l’époque, vous dénonciez le fait que, devant cette juridiction, il y aurait une « inversion de la charge de la preuve ». Ce non-lieu ne contredit-il pas ce postulat ?
Vous savez, les dossiers se suivent, mais ne se ressemblent pas. Cette fois, nous avons une très belle décision de justice, mais je m’abstiendrai de tout commentaire. Je peux toutefois confirmer que, dans ce dossier aussi, la charge de la preuve était inversée. Mais n’ayant pas encore consulté le détail de l’arrêt, je n’en dirai pas plus dans l’immédiat.
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