Ce jour-là : le 6 mars 2007, des parachutistes français sautent sur la Centrafrique pour « sauver Bozizé »
Au nom d’accords de défense liant Bangui et Paris, le 6 mars 2007, des parachutistes français sont envoyés à Birao. Une fois de plus, ils viennent en aide à François Bozizé qui fait face à une rébellion qui préfigure la Séléka.
Les opérations aéroportées françaises en Afrique ne sont plus si fréquentes lorsque plusieurs parachutistes français sautent sur Birao, dans le nord-est centrafricain, non loin des frontières tchadienne et soudanaise, ce 6 mars 2007. La dernière remonte à 1978, quand des « paras » sont lâchés au-dessus de Kolwezi, au Katanga.
« Les Français ont sauvé Bozizé »
Mais ce mois de mars 2007, les Français ont décidé d’agir. Sur le site du ministère de la Défense, on trouve toujours la raison officielle de l’opération : « Dimanche 4 mars, les rebelles centrafricains ont délibérément attaqué nos militaires présents à Birao, où ils mènent depuis décembre des actions d’instruction et de conseil au profit des FACA (Froces armées centrafricaines, NDLR). (…) Le groupe de commandos parachutistes du 17ème RGP a riposté, appuyé par des Mirage F1 français opérant depuis N’Djamena. »
Depuis l’indépendance de la Centrafrique, des accords de défense lient la France à la Centrafrique. « On peut dire qu’en 2007, les opérations françaises ont sauvé le président François Bozizé », explique Yanis Thomas, membre de l’association Survie et auteur de Centrafrique : un destin volé. Bozizé est alors confronté à un vaste mouvement de rébellion qui préfigure largement la Séléka.
L’Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR), déjà dirigée par Michel Djotodia, est appuyée par des ex-libérateurs qui ont soutenu Bozizé quelques années plus tôt et des anciens de la garde personnelle d’Ange-Félix Patassé.
À Birao, ville de 15 000 habitants environ, dont seuls les bombardements français ont permis d’interdire l’entrée aux rebelles en novembre et décembre 2006, dix-huit soldats français tiennent un détachement. Dans la nuit du 3 au 4 mars, ils sont attaqués par des « technicals », ces pick-up sur lesquels sont montés des mitrailleuses. Selon plusieurs sources, notamment au sein de l’ex-Séléka, c’est alors Damane Zakaria, appelé à devenir un cadre de la Séléka, qui mène les opérations du côté rebelle.
Contexte politique français
Le contexte de l’opération est particulier. En France, jacques Chirac est encore à l’Élysée, mais l’élection présidentielle est proche. L’article 35 de la Constitution n’a pas encore été modifié. Il ne le sera qu’en 2008, afin d’accroître le contrôle démocratique sur les opérations militaires extérieures via l’instauration d’une procédure d’information et de contrôle du Parlement sur les opérations extérieures.
Tout se joue donc du côté de l’exécutif. C’est aussi en mars 2007 que le géant français Areva décide d’acheter 5% d’Uramin, qui possède le gisement d’uranium de Bakouma. Cette dernière localité est certes éloignée de Birao par des heures de route, mais sur le terrain, chacun sait que Birao est un verrou. Le faire sauter, c’est s’ouvrir la voie pour Ouadda, puis pour Bangui ou Bakouma.
Et le 4 mars, l’UFDR assiège Birao avec une efficacité certaine. Le 6, entre cinquante et soixante militaires français sautent donc en parachute. Une compagnie de soldats du 3ème RPIMa est de son côté déposée en C-160 Transall.
Si les sauts sont efficaces en terme de communication auprès du public, et parfois nécessaires pour des raisons opérationnelles, les risques sont toutefois très élevés. L’option d’un débarquement sur l’aérodrome à quelques kilomètres de là est préférée au largage.
Le bilan humain de l’opération est toujours difficile à établir. Si aucun français ne décède, le chiffre de six décès dans les rangs des FACA est souvent avancé. Côté rebelle, un ancien de la Séléka affirme à Jeune Afrique que « des dizaines sont morts ».
Exactions sur les civils
La conduite des FACA, alliées des Français, n’est, selon plusieurs sources, pas exempte de critique. « On sait d’ailleurs aujourd’hui que plus d’un militaire français a désavoué la conduite des FACA sur le terrain », relève Yanis Thomas.
L’association Human Rights Watch publie un rapport dès 2007 : « Selon les estimations préliminaires de l’ONU, quelque 70% des maisons de Birao, une localité de 14 000 habitants, ont été incendiées pendant cette période, principalement par des soldats des FACA mais aussi par des rebelles de l’UFDR… »
Dans la foulée du départ des rebelles, des Gulas, soupçonnés de leur être favorables, sont attaqués. Le quartier gula de la ville est détruit. Sur le terrain, un responsable onusien compare le décor à la ville tchétchène de Grozny après son siège.
Questions sur une intervention
Dans la foulée de l’intervention, des voix s’élèvent en Centrafrique : certains se demandent pourquoi la France a laissé Ange-Félix Patassé tomber. À Libération, en mars 2007, l’actuel parlementaire Martin Ziguélé, ancien Premier ministre centrafricain assure qu’il avait demandé le soutien de Paris alors que Bozizé assiégeait Bangui avec ses libérateurs.
« Paris a refusé. On m’a dit qu’il fallait recourir au dialogue politique pour résoudre la crise. (…) Je ne critique pas l’intervention de la France à Birao, je dis qu’on applique les accords de défense à la tête du client », dit-il alors au journal français.
Sur le site du Sénat français, on trouve encore des éléments de réponse : « Après les indépendances, la France a signé des accords de coopération militaire et de défense avec une quinzaine d’États africains. Elle est, aujourd’hui, liée à ce titre par vingt-six engagements dans le domaine de la défense. La terminologie de ces accords est variable, les « accords de défense », impliquent une garantie française en cas d’agression. Trois types de mise en oeuvre peuvent être envisagés : le rétablissement de la situation interne, la résistance aux mouvements de rébellion soutenus de l’extérieur ou la défense contre un agresseur étatique. Lors de son audition (…) le chef d’état-major des armées, le général Henri Bentégeat a souligné que la mise en oeuvre de ces accords n’avait pas un caractère automatique et restait, dans tous les cas, soumise à l’appréciation de la France. »
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