Tunisie : pourquoi le taux directeur de la Banque centrale a été relevé par le nouveau gouverneur

Trois semaines après son arrivée à la tête de l’institution tunisienne, Marouane Abbassi en a relevé lundi le taux directeur annuel. Une mesure qui doit permettre de lutter contre l’inflation et d’attirer les capitaux étrangers, mais qui risque de peser sur une dette nationale déjà conséquente.

Marouane Abbassi, nouveau gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, le 15 février 2018 © Hassene Dridi/AP/SIPA

Marouane Abbassi, nouveau gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, le 15 février 2018 © Hassene Dridi/AP/SIPA

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Publié le 6 mars 2018 Lecture : 2 minutes.

La Banque centrale tunisienne (BCT) a relevé, lundi 5 mars, son taux directeur annuel de 5 % à 5,75 %. L’objectif affiché est d’enrayer l’inflation qui a atteint 7,1 % en février, et, selon plusieurs observateurs, qui pourrait atteindre un record de 8 % à la fin de l’année. Il s’agit de « préserver le pouvoir d’achat des citoyens et de favoriser les conditions d’une croissance saine », selon la Banque centrale.

En augmentant ce taux, le plus élevé depuis 2002, l’institution financière rend l’accès au crédit plus cher. Les ménages devraient donc privilégier l’épargne au détriment de la consommation, ce qui, mécaniquement, fera baisser l’inflation. Autre conséquence attendue, l’arrivée de capitaux étrangers, car les placements tunisiens deviendront plus rémunérateurs.

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Une arrivée ardemment voulue puisque les avoirs nets en devise de la Banque centrale ne représentent plus que 78 jours d’importation, son plus bas niveau depuis le Plan d’ajustement structurel négocié avec le FMI en 1986.

Première mesure de Marouane Abbassi

Cette décision était attendue depuis plusieurs semaines et les marchés s’y étaient préparés. Le taux du marché monétaire (TMM, taux auquel les banques se prêtent de l’argent entre elles) était passé à 5,61 % en février, rendant le coût du crédit encore plus cher pour les familles. Bien que présente dans les tuyaux depuis plusieurs semaines, cette mesure n’en reste pas moins la première du nouveau gouverneur de la BCT, Marouane Abbassi, nommé en février.

« Il semble avoir une volonté plus marquée que son prédécesseur [Chedly Ayari, ndlr] pour s’attaquer au fléau de l’inflation », se réjouit Ahmed El Karm, le président de l’association professionnelle tunisienne des banques et établissement financiers (APTBEF).

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Bulle financière

Dirigeant de la société financière Alpha Mena, Kais Kriaa est plus nuancé sur les débuts du nouveau gouverneur. Selon lui, les investisseurs étrangers ne se bousculeront pas, malgré la hausse du taux directeur, car la valeur du dinar est actuellement surévaluée (l’euro s’échange actuellement à 2,96 dinars).

L’inscription de la Tunisie par l’Union européenne sur la liste noire concernant le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, devrait aussi retarder sa sortie sur les marchés internationaux prévue à la mi-mars.

Cette hausse du taux directeur est le point zéro d’une bulle financière qui s’installe et qui éclatera un jour ou l’autre

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L’État devra donc se refinancer auprès des banques nationales via des Bons du trésor assimilables (BTA), accentuant encore sa dette intérieure qui a déjà augmenté de 9 % entre 2016 et 2017, pour atteindre 21,3 milliards de dinars (7,2 milliards d’euros).

Une hausse qui n’est pas prêt de s’arrêter : le nouveau taux directeur augmente encore les intérêts des BTA (5,81 % en décembre 2017) que l’État devra rembourser. « Cette hausse du taux directeur est le point zéro d’une bulle financière qui s’installe et qui éclatera un jour ou l’autre », prédit Kais Kriaa.

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