Cinéma : quand l’Europe démissionne face à l’afflux de migrants en Libye

Avec son film « L’ordre des choses », sorti ce mercredi en France, Andrea Segre met en lumière les migrants retenus en Libye et souhaitant traverser la Méditerranée, dont le destin dépend de la décision d’un policier italien envoyé dans le pays pour négocier.

« L’ordre des choses », un film d’Andrea Segre, sorti le 7 mars en France. © Sophie Dulac Distribution

« L’ordre des choses », un film d’Andrea Segre, sorti le 7 mars en France. © Sophie Dulac Distribution

Renaud de Rochebrune

Publié le 7 mars 2018 Lecture : 2 minutes.

Quand le réalisateur italien Andrea Segre a commencé à travailler sur L’ordre des choses, il y a trois ans, il ignorait que le scénario qu’il écrivait sur les migrants retenus en Libye et souhaitant traverser la Méditerranée allait être rattrapé par la réalité.

Pour tenter de tarir le flot de migrants et apaiser leurs opinions publiques choquées par les récits de naufrages et de noyades dans la grande bleue, les pays de l’Union européenne allaient tout simplement, sans craindre de perdre leur âme, sous-traiter à des milices libyennes, fort peu soucieuses des droits de l’homme, la mise en pratique de leur politique de rétention, sur le sol africain, des candidats à l’émigration. C’est ce que raconte le film, sorti le mercredi 7 mars en France.

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Concrètement, L’Ordre des choses invite le spectateur à suivre pendant quelques semaines de la vie d’un super-flic italien, Corrado Rinaldi, chargé par les Européens d’aller en Libye négocier des accords avec les chefs de guerre locaux pour qu’ils capturent et gardent les migrants dans des camps.

Suivre sa conscience ou la raison d’État

Mais ces derniers, à de rares exceptions bénéficiant du statut de réfugié politique, seront emprisonnés, maltraités et empêchés de poursuivre leur parcours. Du moins quand les responsables de milices ne jouent pas double jeu en agissant, à l’insu des Européens, de concert avec les trafiquants et passeurs qui exploitent ces réfugiés.

Un temps troublé par le sort terrible d’une jeune Somalienne prisonnière d’un centre de rétention qui réussit à lui parler et à l’émouvoir, Rinaldi arbitrera finalement pour la raison d’État, contre sa conscience, renonçant à renverser cet « ordre des choses » qui donne son titre au film, abandonnant cette réfugiée à sa triste situation, malgré ses promesses.

Paolo Pierobon dans le rôle de Rinaldi dans "L'ordre des choses", un film de Andrea Segre, sorti le 7 mars en France. © Sophie Dulac Distribution

Paolo Pierobon dans le rôle de Rinaldi dans "L'ordre des choses", un film de Andrea Segre, sorti le 7 mars en France. © Sophie Dulac Distribution

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Fort bien joué, notamment par Paolo Pierobon dans le rôle de Rinaldi, se déroulant sur un rythme rapide, proposant à l’occasion des scènes dignes d’un polar sinon d’un thriller, ce long métrage, qui peut parfois être vu comme un documentaire, demeure assez peu original dans sa forme, mais jamais ennuyeux.

Les Européens tentent de se débarrasser, à n’importe quel prix, d’un problème qu’ils ne veulent ni résoudre ni gérer

Et il résonne amèrement avec l’actualité. Surtout quelques mois après que CNN a diffusé un reportage montrant comment les migrants pouvaient être maltraités dans certains lieux de rétention, au point d’être réduits en esclavage par leurs geôliers.

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En fin de compte, le film évoque cependant moins le sort peu enviable de ces migrants que la méthode hypocrite qu’emploient les Européens pour se débarrasser, à n’importe quel prix, d’un problème qu’ils ne veulent ni résoudre ni gérer. La démission éthique de Corrado Rinaldi, c’est celle de ceux au nom desquels il agit.

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