Sénégal : le ministère de l’Intérieur étrillé dans un audit pour sa gestion des législatives

« Absence de planification et d’anticipation ». C’est, en résumé, le constat que dresse un audit de l’Autorité de régulation des marchés publics sur les contrats passés en 2016 par le ministère de l’Intérieur pour l’organisation des dernières élections législatives.

Dépouillement des bulletins de vote dans un bureau de Dakar, en mars 2012. © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

Dépouillement des bulletins de vote dans un bureau de Dakar, en mars 2012. © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

Publié le 9 mars 2018 Lecture : 3 minutes.

C’est peu dire que l’organisation des législatives en 2017 a soulevé beaucoup de critiques au Sénégal. La faute au micmac autour de la distribution des nouvelles cartes d’identité biométriques, censées permettre aux Sénégalais de voter, qui a donné du grain à moudre aux accusations de fraude lancées par l’opposition. Quelques jours avant le scrutin, de nombreux électeurs n’avaient ainsi pas reçu leur nouvelle carte, contraignant le président Macky Sall à autoriser les électeurs à pouvoir voter avec d’autres documents.

Comme nous l’écrivions le 29 juillet 2017, cette situation ubuesque trouvait son origine dans l’impréparation du ministère de l’Intérieur, qui n’avait semble-t-il pas pris la pleine mesure du défi de la production et de la distribution de six millions de cartes. Ce que confirment les résultats d’un audit publié aujourd’hui par l’Autorité de régulation des marchés publics – et réalisé par le cabinet Business System Consulting Group.

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Le recours à des « procédures dérogatoires »

Les auteurs de ce document soulignent la propension du ministère de l’Intérieur à recourir en 2016 à des « procédures dérogatoires » pour passer des marchés publics, même lorsque cela n’est pas justifié. C’est le cas notamment le 26 août, lorsque le ministère demande l’autorisation de lancer plusieurs appels d’offres en urgence et par entente directe (avec un nombre restreint de candidats) dans le cadre des opérations électorales.

D’un montant total de 830 millions de francs CFA, ces différents marchés sont alors destinés à l’acquisition de véhicules et à la réhabilitation de centres de distribution de la nouvelle carte biométrique. « Si ces marchés sont caractérisés d’urgent, c’est uniquement de la faute du ministère de l’Intérieur, souligne l’audit. En effet, les élections sont déjà planifiées et les prestations constituant l’objet des marchés sont connues depuis le début de l’année. »

« Absence de planification et d’anticipation »

D’où cette conclusion acide des auteurs de l’audit : « À notre avis, le procédé utilisé n’est pas conforme à l’esprit du Code des marchés, car la passation des marchés concernés relève d’une absence de planification et d’anticipation de la part du ministère de l’Intérieur ».

Une non-conformité au droit qui n’avait d’ailleurs pas échappé à l’époque à la Direction centrale des Marchés publics. Cette institution avait finalement opposé une fin de non-recevoir au ministère, obligeant celui-ci à saisir le Comité de règlement des différends et à retarder de plusieurs mois la passation effective du marché.

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L’audit de l’ARMP a également relevé des incongruités autour des dates de plusieurs documents, qui « ont été altérées et modifiées pour mettre de la cohérence dans le déroulement des différentes étapes de la passation et de l’exécution des marchés ».

Un contexte houleux

Pour preuve, le procès-verbal des travaux de réhabilitation des centres d’instruction de la carte biométrique date du 20 décembre 2016, alors que le marché n’a été notifié que le 19. En d’autres termes, les travaux – prévus pour durer un mois – n’auraient duré qu’une petite journée.

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La publication de cet audit intervient en pleine polémique autour de l’organisation de l’élection présidentielle en 2019. Le ministre de l’Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, s’est attiré les foudres de l’opposition en déclarant vouloir « tout faire pour que ceux qui ne sont pas encore inscrits puissent l’être afin de soutenir le président Macky Sall ».

L’Initiative pour des élections démocratiques (IED), qui rassemble vingt partis et organisations de l’opposition, exige sa démission et multiplie les appels à la manifestation. La dernière en date, prévue ce vendredi 9 mars, a été interdite la veille par la préfecture. Les forces de police sont intervenues pour disperser les manifestants, faisant usage de gaz lacrymogènes. 

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