Charité et islamisation de la société

L’islamisation de la société, du Maghreb à l’Égypte, est un phénomène qui va croissant depuis une trentaine d’années.

Des militants du parti islamiste tunisien Ennahdha prient pour soutenir le gouvernement, le 7 septembre 2012 à Tunis (image d’illustration). © Hassene Dridi/AP/SIPA

Des militants du parti islamiste tunisien Ennahdha prient pour soutenir le gouvernement, le 7 septembre 2012 à Tunis (image d’illustration). © Hassene Dridi/AP/SIPA

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  • Ali Benmakhlouf

    Professeur des universités et membre correspondant de l’Académie nationale de pharmacie, à Paris.

Publié le 18 mars 2018 Lecture : 2 minutes.

Tribune. Le pouvoir politique des islamistes se délite en Tunisie, il est suspendu en Algérie depuis le rejet des urnes aux élections mémorables des années 1990, il est combattu en Égypte, il gouverne en partie au Maroc : autant de situations hétérogènes.

On a longtemps pensé que l’islamisation de la société préparait un pouvoir politique islamiste

Mais la société vit imperturbablement son islamisation de manière bien moins hétérogène, loin des perturbations politiques. On a longtemps pensé que l’islamisation de la société préparait un pouvoir politique islamiste. L’histoire récente a montré que les deux phénomènes pouvaient cheminer séparément.

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Solidarité publique

Chaque mois de ramadan, les femmes qui portent le voile sont toujours plus nombreuses. Pendant que les mosquées se construisent, financées par les milliardaires et les pouvoirs publics, l’école et l’hôpital attendent. L’absence de projet social clair est proportionnelle à l’islamisation de la société.

Le voile et l’appel à la prière tiennent lieu de projet social

Le visible (voile, voile intégral, construction de mosquées à côté de stations-service, etc.) et l’audible (appel à la prière sur téléphone portable) de la religion tiennent lieu de projet social.

Les citoyens des pays maghrébins ont conscience du délitement social. Ils se méfient du pouvoir politique, qui ne leur propose aucune solidarité publique fiable, notamment en raison de la corruption généralisée.

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L’islamisation de la société s’accompagne alors d’une conception privée de la solidarité. Cela s’appelle la charité. Les gens « font du bien » à l’égard de leurs proches, pensant s’acquitter de leur devoir religieux.

Or ce système de solidarité a montré son échec dans les pays développés, qui ont tous adopté, depuis, une solidarité anonyme, plus efficiente : sécurité sociale, école publique gratuite, etc.

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Les États de la rive sud de la Méditerranée affichent, certes, cette solidarité publique, mais les organismes qui en sont chargés, que ce soit l’école ou l’hôpital, n’assurent plus, dans leur majorité, les services pour lesquels ils ont été créés.

La solidarité sous forme de charité ne suffit pas, la solidarité publique est la seule efficace

Il faudra du temps pour comprendre que, dans un État moderne, la solidarité sous forme de charité ne suffit pas, et que la solidarité publique est la seule efficace. Cela suppose une confiance dans les institutions qui en ont la charge. Cette confiance manque.

Entre-temps, la société continue de s’islamiser, recherchant en vain une solidarité qu’elle exprime dans la religion, et exerçant une coercition, implicite ou explicite, envers ceux qui résistent à ce phénomène, très homogène, depuis le Maroc et vers son est (jusqu’à l’Égypte) et vers son sud (dans les pays du Sahel).

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