« L’égalité est un droit, pas une faveur » : en Tunisie, la première marche pour l’égalité des femmes dans l’héritage
C’est une première dans le monde arabe. Une marche réclamant l’égalité dans l’héritage s’est tenue à Tunis samedi.
À l’appel de la Coalition pour l’égalité dans l’héritage, un collectif de plus de 80 associations, près de 1 500 Tunisiennes et Tunisiens ont participé, samedi 10 mars à Tunis, à une marche en direction de l’Assemblée pour réclamer l’égalité dans l’héritage. « Moitié, moitié ; c’est la pleine citoyenneté », « L’égalité est un droit, pas une faveur », « Pour garantir nos droits, il faut changer la loi », clamait une foule composée de femmes de tous âges et de tous bords et d’hommes venus soutenir leur cause.
« Dans 50 ans, les Tunisiens en seront fiers », lance Monia, venue de Kairouan (Centre). Mais une passante refuse la levée de la discrimination de genre dans l’héritage. « Je travaille alors que mes frères sont au chômage ; il est normal que l’héritage leur revienne », se justifie-t-elle.
Règles prévues par le Coran et la charia
Quelles que soient les divergences dans l’opinion, la marche marque le début d’une longue bataille. En cause, la question successorale qui est au cœur d’une initiative lancée par le président de la République, Béji Caïd Essebsi, lequel entend mettre en conformité les lois avec la Constitution qui affirme l’égalité entre citoyens et citoyennes.
« L’égalité dans l’héritage est une question essentielle dans l’histoire de la Tunisie, car, compte tenu de la participation active des femmes dans tous les domaines de la vie sociale et économique du pays, compte tenu aussi des progrès obtenus et des acquis réalisés dans le domaine de l’égalité entre les hommes et les femmes mais surtout depuis la Constitution de 2014, l’égalité est devenue une exigence que l’on ne peut plus différer », affirme Mokhtar Trifi, vice-président de l’organisation mondiale contre la torture (OMCT).
De fait, les règles actuellement appliquées à l’héritage demeurent celles prévues par le Coran et la charia : « Au fils, une part équivalente à celle de deux filles » (sourate 4:verset 11).
« Dernier bastion du patriarcat »
« Dernier bastion du patriarcat » selon la juriste et militante des droits des femmes, Sana Ben Achour, la question de l’héritage divise les Tunisiens qui, selon une étude pour l’Institut républicain international (IRI) publiée en janvier 2018, sont à 73% défavorables à cette réforme, avec seulement 40% de Tunisiennes qui la plébiscitent.
Certains invoquent des raisons religieuses – le Coran serait suffisamment explicite en la matière pour ne laisser place à aucune interprétation -, d’autres comme le prédicateur salafiste Béchir Ben Hassen, fustigent « les modernistes qui vont nous détruire… ».
Mais beaucoup, sous couvert de religion, font leurs propres calculs : « je ne souhaite pas offrir mes biens à mon gendre » assène un ancien chef d’entreprise. Dans tous les cas, se désengager du texte coranique n’est pas une partie gagnée d’avance. Le débat sera rendu public avec la publication des recommandations de la commission des libertés individuelles et égalités, chargée d’un état des lieux par le chef de l’État.
Stratégies de parade
En attendant les familles tunisiennes ont trouvé la parade en effectuant des donations avant le décès, mais dans la plupart des cas l’héritage est source de drames familiaux et revient dans bien des cas, ni plus ni moins, à une spoliation des filles. Notamment en milieu rural où les femmes travaillent bien souvent une terre qui devrait être la leur mais dont elles sont dépossédées par des frères, des fils ou des cousins.
Ce que prévoit l’islam en matière successorale
Le Coran prévoit que l’on peut hériter de la moitié, du quart, de la moitié du quart, du tiers, de la moitié du tiers et des deux tiers :
• Hérite du 1/8 :
– L’épouse (ou les co-épouses) en présence d’enfants ou d’enfants du fils.
• Héritent des 2/3 :
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