Vivement Barack Obama !

L’élection présidentielle de novembre offre à l’Amérique l’occasion historique de tourner la page sur les folies des huit dernières années. La saisira-t-elle ? On le souhaite un peu partout, notamment dans le monde arabo-musulman.

Publié le 2 septembre 2008 Lecture : 6 minutes.

Si le monde votait à l’élection présidentielle américaine de novembre prochain, Barack Obama serait sûr de l’emporter, tant on souhaite un peu partout – et nulle part plus qu’en Europe et dans le monde arabe – que les États-Unis recouvrent leur bon sens, leur autorité et leur réputation. Mais ce n’est pas le monde qui votera.
Rien ne garantit que l’électorat américain, perturbé par la récession économique, manipulé par les groupes d’intérêt, très mal informé sur le monde extérieur, envoie Barack Obama à la Maison Blanche, bien que les sondages donnent à penser que la plupart des Américains sont conscients que leur pays va droit dans le mur.
Une occasion historique se présente pour l’Amérique de tourner la page sur les folies de ces huit dernières années. Mais cette occasion sera-t-elle saisie ?
Ce qui paraît évident, du moins aux observateurs extérieurs, est qu’une présidence McCain, peuplée de néoconservateurs aussi enragés que ceux qui ont inspiré la politique moyen-orientale de l’administration de George W. Bush, a toutes les chances de plonger les États-Unis dans un bourbier encore plus profond de néocolonialisme arrogant et de guerres.

Guerres coloniales
Avec le recul, plusieurs des erreurs catastrophiques de Bush découlent d’une interprétation erronée des attentats terroristes du 11 septembre 2001. Pourquoi dix-neuf jeunes Arabes – dont plusieurs avaient fait des études supérieures et dont quinze étaient saoudiens – ont-ils brûlé d’un tel désir de s’attaquer à l’Amérique qu’ils acceptaient de sacrifier leur vie ? Peu de responsables politiques ou de commentateurs américains, voire aucun, étaient prêts à admettre que la réponse était dans la politique menée par l’Amérique dans la région.
– Lorsqu’en 1988 les Soviétiques ont été contraints d’évacuer l’Afghanistan, les États-Unis ont sans vergogne laissé tomber les dizaines de milliers de musulmans qu’avec l’aide de leur allié pakistanais ils avaient recrutés, armés et financés.
– Un demi-million de soldats américains ont été déployés en Arabie saoudite, au grand dam d’une bonne partie de l’opinion locale, pour chasser l’Irak du Koweït en 1991.
– Après la première guerre du Golfe, l’Irak a été puni, isolé et démoli par treize années de sanctions impitoyables et de raids aériens répétés.
– Les États-Unis ont toléré et même financé l’occupation brutale et la colonisation de territoires palestiniens.
Au lieu de reconsidérer et de corriger cette politique, les États-Unis ont avalé l’argumentation des néocons selon laquelle le 11 Septembre n’était pas une réaction violente à la politique américaine, mais le complot d’un monde arabe fanatique. Pour la sécurité d’Israël et des États-Unis, ont prétendu les néocons, il fallait réformer et remodeler les sociétés arabes, au besoin par la force, à commencer par l’Irak.
On s’est engagé dans une guerre mondiale contre le terrorisme, qui, loin d’éliminer celui-ci, a enfanté une nouvelle génération de militants convaincus. Beaucoup d’Arabes et de musulmans ont interprété la politique de Bush comme une guerre contre l’islam.
L’Irak de Saddam Hussein n’avait aucune responsabilité dans le 11 Septembre et, comme il a été démontré et redémontré, il ne possédait pas d’armes de destruction massive. Mais Israël et ses amis de l’administration Bush le considéraient comme une menace potentielle pour l’État hébreu. On s’est donc persuadé en 2003, sur la base de renseignements erronés, qu’il fallait diaboliser, occuper et détruire l’Irak. Des centaines de milliers d’Irakiens ont été tués et entre 4 et 5 millions ont été chassés de chez eux ou contraints à l’exil.
La guerre d’Irak a, d’autre part, gravement affaibli les forces armées américaines, creusé un trou énorme dans les finances publiques et ruiné l’autorité morale et politique de l’Amérique dans une grande partie du monde. Barack Obama comprend, au moins, la nécessité d’en finir avec cette vaine guerre coloniale et de rapatrier les troupes.

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Dialoguer avec l’Iran
Dans le même temps, contrecarrée par la guerre d’Irak, la chasse entreprise pour localiser et faire disparaître Oussama Ben Laden et ses affidés d’Al-Qaïda n’a rien donné. Elle a entraîné les États-Unis et leurs alliés de l’Otan dans une guerre contre les talibans – en réalité, une guerre contre quelque 30 millions de Pachtouns des deux côtés de la frontière afghano-pakistanaise, des combattants bien décidés à expulser les étrangers et à protéger leur famille, leur mode de vie et leur religion.
Cette guerre, elle aussi, est en train d’être perdue par les États-Unis et par l’Otan. La capitale afghane, Kaboul, est assiégée par les talibans. Le Pakistan est déstabilisé et des vies occidentales, afghanes et pakistanaises sont inutilement sacrifiées, comme celle des dix soldats français tombés récemment dans une embuscade montée par des talibans. Ce qui s’impose d’urgence n’est pas un nouvel effort militaire de l’Occident, mais un cessez-le-feu avec les talibans, suivi d’un accord négocié avec les États-Unis, l’Inde, la Chine, le Pakistan et l’Afghanistan en vue de stabiliser ce pays déchiré par la guerre.
L’Iran doit lui aussi être partie prenante. De toutes les aberrations de l’administration Bush, la plus grave est peut-être son incapacité à établir une relation nouvelle avec Téhéran trente ans après la chute du shah et la création de la République islamique. Là encore, les mêmes intérêts particuliers qui ont entraîné l’Amérique dans une guerre avec l’Irak la poussent avec la même ardeur à une guerre avec l’Iran, présentant ce dernier comme un danger « existentiel » non seulement pour Israël, mais pour le monde entier !
Barack Obama a laissé entendre qu’il souhaitait engager un dialogue avec l’Iran, bien que, dans sa confrontation avec John McCain, il ait dernièrement durci le ton. Il semble comprendre l’urgente nécessité de rebâtir des ponts avec le Tiers Monde, et avec le monde arabo-musulman en particulier. Il s’est engagé à donner la priorité au conflit israélo-palestinien, ce que Bush a criminellement négligé, le laissant empoisonner les relations de l’Occident avec les musulmans.
La secrétaire d’État Condoleezza Rice était récemment encore en Israël, sa septième visite totalement vaine depuis la conférence d’Annapolis de novembre 2007. Les États-Unis ont complètement échoué à freiner le pillage permanent des terres palestiniennes par les Israéliens, ou à mettre fin à l’étouffante mainmise de ceux-ci sur l’économie palestinienne et au blocus de Gaza. L’État palestinien reste plus que jamais un mirage.

Traitements inhumains
À la veille de la visite de Condoleezza Rice, Israël a libéré 198 détenus palestiniens : l’un d’eux était resté trente-deux ans en prison, l’autre vingt-neuf ans – deux « Mandela » palestiniens qui témoignent de la brutalité impitoyable du système carcéral israélien. Sur les 11 000 Palestiniens détenus dans les geôles israéliennes, 9 000 sont des prisonniers politiques, dont 326 enfants.
En janvier 2006, un rapport d’un représentant spécial des Nations unies écrivait : « Il y a toujours des allégations de torture et de traitements inhumains : passages à tabac, entraves dans des positions douloureuses, coups de pied, aveuglements prolongés, refus de soins médicaux, exposition à des températures extrêmes, et insuffisante mise à disposition de nourriture et d’eau. »
Amin Abou Sitteh, un ancien prisonnier âgé de 13 ans, raconte : « J’ai été attaché sur une chaise, chaque jambe séparément. Il y avait cinq soldats qui m’ont roué de coups. D’abord, ils m’ont cassé les dents. Puis Abou Rami [le chef local du Shin Beth] leur a ordonné de me tuer, et là, ils ont mis le paquet. Ils m’ont cogné si fort qu’ils m’ont mis une rotule à nu et cassé une jambe. La séance a duré deux heures et demie. »

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