Un parti hégémonique
Le Front patriotique rwandais domine la scène politique, excellant dans l’art délicat de régner sans diviser…
Depuis sa victoire militaire en 1994, le Front patriotique rwandais (FPR) est incontestablement majoritaire. Son hégémonie pousse ses détracteurs à l’accuser de régner comme un parti unique. Et à qualifier les autres groupes politiques de simples supplétifs, embrigadés sous le couvert d’une quête permanente de consensus et de partage du pouvoir. Accusations que rejette François Ngarambe, secrétaire général du FPR : « Il ne suffit pas d’avoir libéré le Rwanda ou d’avoir appartenu dans le passé à un parti ethnique pour détenir le monopole de la vérité. Nous avons privilégié le consensus à l’affrontement. Les Rwandais ont toujours raté l’occasion de dialoguer pour gouverner ensemble. C’est cela que nous voulons corriger. » Issu de la Rwandese Refugee Welfare Foundation (RRWF) et de la Rwandese Alliance for National Unity (Ranu), créées par des réfugiés rwandais, le FPR a été fondé en Ouganda en 1987 et dirigé à ses débuts par Fred Rwigema. Quand celui-ci est tué, en octobre 1990, aux prémices de la guerre contre le régime de Juvénal Habyarimana, la direction échoit à Paul Kagamé, l’actuel chef de l’État et toujours président du FPR.
Ce n’est un secret pour personne, le FPR est le parti le plus riche du pays. Sa fortune tient à ce que, dès sa genèse, il a bénéficié du soutien de la plupart des hommes d’affaires tutsis installés au Zaïre, au Burundi, en Ouganda, au KenyaÂÂ « La loi nous permet de faire des affaires et nous comptons parmi nos membres des personnes très riches, explique François Ngarambe. Ce que nous entreprenons nous rapporte de l’argent tout en contribuant à développer le Rwanda. »
La fibre des affaires
Et les activités commerciales du parti sont multiples. Elles vont de la téléphonie mobile (MTN) à l’immobilier (construction d’un quartier résidentiel huppé à Nyarutarama, sur l’une des collines de Kigali). Mais certains soupçonnent le FPR de profiter de sa position hégémonique pour s’attribuer les marchés publics ou favoriser ses membres. Ce que son secrétaire général nie avec force : « Nous sommes sur le même pied d’égalité que n’importe quel autre entrepreneur. Nul ne peut prouver que tel marché a été attribué à une entreprise du FPR illégalement. » Ceci expliquant cela, les entreprises du FPR ont une règle de conduite : ne pas s’associer avec des sociétés ou des gens qui ne réussissent pas. « Quand rien ne va plus, nous vendons nos parts », reconnaît François Ngarambe.
Au quotidien, le secrétariat général du parti fonctionne avec une vingtaine de cadres permanents et est doté d’un budget mensuel d’environ 15 millions de francs rwandais (plus de 17 000 euros). Ce budget est renforcé par les cotisations et les « dons permanents » des membres, y compris les salariés qui, en fonction de leurs revenus, versent jusqu’à deux jours de paie à la caisse du parti.
Seul maître à bord ?
Aussi bonnes que soient ses intentions, le FPR n’est pas à l’abri des critiques. Les opposants « de l’extérieur », ceux qui ne participent pas au processus actuel (c’est-à-dire en dehors des huit autres partis reconnus), l’accusent d’étouffer toute véritable opposition et de refuser la contradiction. Des arguments que ses dirigeants réfutent. « Le FPR est un parti populaire. Sa force, c’est la population. Mais nous n’avons pas la prétention de nous considérer comme infaillibles. Nous sommes ouverts à toute critique constructive. Cela dit, il serait politiquement malhonnête de penser que tout ce que nous faisons est systématiquement mauvais. »
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