Un opposant au perchoir

Membre du Mouvement pour le changement démocratique (MDC), Lovemore Moyo a été élu à la présidence de l’Assemblée. Il a promis de rendre au Parlement sa vocation de « lieu de débat démocratique ».

Publié le 2 septembre 2008 Lecture : 3 minutes.

Le léopard dont la statue en or trône au Parlement zimbabwéen, à Harare, a été le témoin d’un événement historique, le 25 août, lors de la mise en place des 210 députés récemment élus. D’abord, parce que le président Robert Mugabe a été copieusement hué et sifflé pendant son discours inaugural. Ensuite, et surtout, parce que les députés ont majoritairement choisi d’offrir la présidence de l’Assemblée à un représentant de l’opposition. Cent dix voix se sont en effet portées sur le nom de Lovemore Moyo, ce qui signifie qu’au moins trois membres de l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF), le parti du chef de l’État, ont voté pour le Mouvement pour le changement démocratique (MDC).
La suite de la session parlementaire devrait néanmoins se dérouler dans un climat moins tendu, Moyo ayant promis de rendre au Parlement sa vocation de « lieu de débat démocratique ». Dans son discours aux députés, le lendemain du vote, il a souligné qu’il n’avait nulle intention de « céder aux intérêts de quelques individus ou d’un parti politique », et que « c’est là un service qu[ÂÂÂil doit] à l’ensemble du peuple zimbabwéen ». Il n’a, de toute façon, guère le choix : l’opposition n’est majoritaire au Parlement qu’avec le renfort d’une faction dissidente du MDC conduite par Arthur Mutambara. Même avec ses alliés, le parti de Morgan Tsvangirai ne dispose que d’une courte majorité (51,5 %). « Lovemore Moyo est un homme de rassemblement, confie à Jeune Afrique Thabitha Khumalo, une députée du MDC. C’est un homme d’expérience qui pourra s’adresser à tous les membres du Parlement et qui sera écouté. »
Au pouvoir depuis vingt-huit ans, Mugabe a coutume de présenter les membres de l’opposition comme des « Blancs déguisés en Noirs ». Mais ce jugement peut difficilement s’appliquer à Moyo : chacun ici sait qu’il est un fervent défenseur de la tradition zimbabwéenne, non de l’héritage colonial. « Je viens d’une famille polygame de dix-sept enfants, se défend-il. Nous avons tous grandi au village, c’est une fierté pour moi. » On comprend d’autant mieux l’attachement de Moyo à sa famille que sa propre belle-mère siège dans l’hémicycle sous les couleurs de la Zanu-PF. Et qu’elle est aujourd’hui montrée du doigt comme une dissidente potentielle du parti présidentiel.

Pas une marionnette
Le principal atout du président de l’Assemblée reste sa participation à la guerre de libération contre le pouvoir colonial. « Ceux qui prétendent que nous sommes des marionnettes de l’Occident n’ont rien compris à l’histoire de notre pays, s’insurge-t-il. Mon village a été réduit en cendres par les troupes d’Ian Smith. J’ai fait la guerre, je suis un combattant de la liberté. »
Né en 1965, Lovemore Moyo est enrôlé avec sept de ses frères dans les troupes ndebeles de Joshua Nkomo. Il a 14 ans. À la libération, il renonce à une carrière militaire et rejoint sa région natale du Matabeleland, dans le sud du pays, où il est scolarisé à un âge auquel les autres terminent habituellement leurs études secondaires. En 1990, à 25 ans, il obtient l’équivalent du baccalauréat. « J’étais plus âgé que mes professeurs ! » s’amuse-t-il. Porté en triomphe par ses pairs à la sortie de l’Assemblée, Lovemore Moyo avait retrouvé, l’espace d’un instant, le sourire d’un gamin.
« L’ambiance dans nos rangs était très joyeuse, raconte Thabitha Khumalo. Nous avons montré à nos dirigeants et à nos électeurs que l’esprit de la démocratie n’est pas mort. » Pour l’élue de Bulawayo, la deuxième ville du pays, l’élection de Moyo est « la preuve que le MDC est un parti de rassemblement ».
Reste que, de l’autre côté de la frontière, en Afrique du Sud, les pourparlers sur le partage du pouvoir exécutif sont dans l’impasse. Le lendemain de la mise en place du nouveau Parlement, Mugabe a annoncé la « formation imminente d’un nouveau gouvernement, même si Tsvangirai ne souhaite pas en faire partie ». Le chef de l’opposition s’oppose en effet à la nomination des ministres tant que la question de la répartition des pouvoirs ne sera pas clairement tranchée. Il estime que se précipiter serait le meilleur moyen de faire échouer les négociations. Bright Matonga, l’actuel ministre de l’Information, a pourtant été sans ambiguïté : « Rien ne nous empêchera de former un gouvernement. Le Zimbabwe doit redémarrer. Il est grand temps de relancer l’économie, car le peuple souffre. »

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires