Pourquoi l’Afrique doit s’unir pour demander la restitution des œuvres d’art pillées
Lors de la visite du président béninois Patrice Talon à Paris le 5 mars, son homologue Français Emmanuel Macron a choisi la paire composée de l’historienne d’art Bénédicte Savoy, membre du Collège de France, et de l’écrivain et universitaire Sénégalais Felwine Sarr, pour faire des propositions d’ici novembre au sujet de la restitution d’objets d’art spoliés, vendus et disons les mots, pillés ou volés au continent africain.
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Renner Onana
Renner Onana est fonctionnaire international et ancien diplomate camerounais.
Publié le 14 mars 2018 Lecture : 2 minutes.
Tribune. La requête en restitution du patrimoine culturel et artistique africain est un débat qui existe depuis belle lurette dans certains pays comme l’Allemagne connue pour abriter des archives et des centaines de milliers d’objets d’arts africains dans plusieurs de ses musées même si c’est sur l’angle de l’inventaire, de l’étude avant rapatriement.
Aujourd’hui, cette demande s’inscrit dans une période d’ébullition culturelle et artistique, d’accélération de la décolonisation de son imaginaire que connaît le continent et dont on ne soupçonne pas encore la profondeur.
Il est en accord avec une volonté du changement qui appellera inéluctablement sur le long terme la question que posait déjà l’écrivain Kenyan Ngugi Wa Thiongo, celle de savoir pourquoi nous avons laissé les autres emporter des millions d’âmes africaines en dehors du continent au quatre coins du monde et le patrimoine qui va avec ? Autrement dit, pourquoi notre art est-il partout sauf en Afrique ?
Cependant, si le geste posé par le président français ouvre des brèches et des fenêtres d’opportunité pour d’autres pays qui comme les États-Unis et la Russie restent silencieux, il pose quand même une question plus grande sur la reconnaissance totale des spoliations que le continent africain a subies au cours de plusieurs siècles.
Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de revendiquer à cor et à cri, ici et maintenant des « réparations », le mot tant redouté en dehors du continent même si le gouvernement britannique a ouvert la voie en présentant des excuses formelles et accepté de payer aux Kikuyus du Kenya 20 millions de livres. Un montant qui semble dérisoire par rapport aux dommages subis par ce peuple avec « cette mission civilisatrice ». De plus, comment et qui pourrait réparer 97 000 milliards de dollars américains, l’estimation basse du Guardian de la valeur de travail extorqué aux esclaves africains dans les colonies nord-américaines entre 1416 et 1865 ? Selon le sociologue nigérian Unzondinma Iweala, s’il fallait exiger cette réparation seulement pour le travail effectué, elle coûterait 640 années des 150 milliards de dollars officiels l’aide publique au développement ! Passons.
Le retour de ce patrimoine sera nécessaire à la reconstruction des conditions anthropologiques de notre dignité
Au-delà des implications complexes que ce travail de restitution et le dialogue y afférent imposeront aux parties en présence, y compris aux gouvernements et parlements nationaux, ce qui importe le plus c’est la reconnaissance qu’un patrimoine important se trouve loin de l’Afrique et qu’il mérite d’être à un moment ou à un autre d’être restitué aux légitimes propriétaires. Ce n’est pas de la philanthropie ni uniquement et simplement une question économique ou du tourisme. C’est la reconnaissance que quelque chose qui heurte la conscience humaine – c’est à dire le vol, le pillage de ce qu’il y a de plus sacré – a été commis.
Mais cette reconnaissance ne peut se faire que si les Africains ensemble revendiquent ce patrimoine à travers l’Union Africaine et l’Unesco, selon des modalités d’action à déterminer de manière collective en fonction des lois sur la circulation des biens culturels. Car ce patrimoine représente pour beaucoup d’entre nous des points de repères ; et à une époque où les aires géographiques se ferment, le retour de ce patrimoine sera nécessaire à la reconstruction des conditions anthropologiques de notre dignité.
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