Michelle Obama

Épouse du candidat démocrate à l’élection présidentielle américaine

Publié le 2 septembre 2008 Lecture : 5 minutes.

An American Family. Ce pourrait être le titre d’une série télé. Ce n’est que l’argument, le thème central de l’impeccable show mis en scène par les storytellers démocrates à l’occasion de l’ouverture de la convention nationale de leur parti, le 25 août, au Pepsi Center de Denver, Colorado. Quelle histoire, en effet !
Dans le rôle principal : Barack Hussein Obama Jr, premier non-Blanc – il est métis de père kényan et de mère américaine – à briguer la Maison Blanche, absent de ce premier acte pour des raisonsÂÂÂ dramaturgiques. Officiellement, il était retenu à Kansas City par sa campagne électorale. En fait, il ménageait le suspense en se faisant désirer comme ce Messie dont il imite si volontiers les accents.
Autres vedettes : Michelle Obama, née Robinson, son épouse, très belle dans une élégante robe turquoise discrètement rehaussée par une broche et le fond bleu du décor – tout cela, naturellement, très étudié -, et ses deux filles, Malia Ann (10 ans) et Natasha (7 ans), adorables bambines avec lesquelles le candidat démocrate s’est entretenu par visioconférence (« Dans quelle ville es-tu, papa ? »), à l’attendrissement des ménagères – du moins était-ce l’objectif.

Dans les principaux seconds rôles, un charmant aréopage familial : Marian Robinson, la mère de Michelle, tout en dignité et en émotion contenue ; Craig, son frère, ancien basketteur de haut vol, très à l’aise en batteur d’estrade ; et Maya Soetoro-Ng, la demi-sÂÂÂur indonésienne du candidat. Plus une copieuse brochette de stars du show-biz et une foule de figurants : les 4 800 délégués à la convention. Sans oublier, bien sûr, le ban et l’arrière-ban de l’establishment démocrate : du vieux (76 ans) Ted Kennedy, ex-bad boy de la politique américaine reconverti en patriarche titubant et bouffi – son cancer du cerveau est incurable -, venu témoigner le soutien du clan (« le rêve continue, je n’aurais manqué ça pour rien au monde »), à la blonde Caroline Bouvier Kennedy, qui n’a certes pas hérité de l’éloquence de John, son père, et à Maria Shriver, autre éminent membre de la « famille », aujourd’hui épouse de l’acteur-gouverneur républicain Arnold Schwarzenegger, en passant par le sénateur Joseph Biden, colistier d’Obama sur le « ticket » démocrate (voir p. 55), l’ancien président Jimmy Carter, la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi, et beaucoup d’autres.
Logiquement, Bill et Hillary Clinton ont brillé par leur absence au cours de cette première journée. La campagne des primaires a été si âpre, indécise, marquée par tant de coups bas que la participation de l’ex-couple présidentiel à cette séquence émotion – fût-ce pour manifester l’unité retrouvée du parti – eût été déplacée. Les plaies restent vives, et la sénatrice de New York, dont Obama n’a sans doute jamais sérieusement envisagé de faire sa colistière, est loin d’avoir fait une croix sur ses ambitions présidentielles, désormais reportées à 2012.
Le lendemain, 26 août, elle a assuré son rival victorieux de son indéfectible soutien dans son duel contre John McCain, en novembre, mais les arrière-pensées demeurent. Les réticences d’une fraction non négligeable – au moins 30 % – de ses partisans aussi.

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Pendant que d’irréductibles « clintoniens » manifestaient leur amertume autour du Pepsi Center, la belle Michelle, aussi naturelle et détendue que si elle papotait dans sa cuisine avec une copine, retraçait devant la convention l’incroyable aventure de son couple, cette American story. Morceaux choisis.
« Je suis ici en tant que femme qui aime son mari et qui est convaincue qu’il fera un président extraordinaire. » Ou bien : « Barack et moi avons été élevés dans le respect de valeurs qui, pour nous, restent d’actualité. Dans la vie, il faut travailler pour obtenir ce qu’on veutÂÂÂ Votre parole est sacrée : faites toujours ce que vous avez dit que vous feriezÂÂÂ Il faut traiter les gens avec dignité et respect, même si vous ne les connaissez pas, même si vous n’êtes pas d’accord avec euxÂÂÂ »
Ces truismes ne devraient pas bouleverser les grands équilibres géostratégiques de la planète, mais tel n’était pas leur objectif : il s’agissait d’une opération de marketing politique calibrée au millimètre par les stratèges du staff de campagne, David Plouffe, David Axelrod et les autres, pour :

1. Convaincre les électeurs, qui ont tendance à en douter, du patriotisme sans faille de la future First Lady. Pendant la campagne des primaires, alors que le succès de son mari commençait à se dessiner, ­celle-ci s’était déclarée « fière d’être américaine pour la première fois de sa vie d’adulte ». Naturellement, dans un pays aussi sourcilleux sur la question, l’aveu était très maladroit, même s’il se comprend : les Noirs américains n’oublient que peu à peu – et ne pardonnent pas toujours – la ségrégation et les exactions dont ils furent victimes au fil des siècles. Michelle avait donc pour mission de répéter à satiété que, oui, désormais et tout bien considéré, elle « aime ce pays ».

2. Donner l’image d’un couple « comme les autres », point trop élitiste ni trop intellectuel, en qui les pires abrutis accrochés à leurs guns, les cols bleus victimes de la récession économique qui frappe certaines régions et les mères au foyer noyant leurs déboires conjugaux dans la prière ou le gin tonic puissent se reconnaître – car c’est ainsi que se gagne ou se perd une élection. De ce point de vue, la prestation de Michelle a été une indiscutable réussite.
Mais est-ce si surprenant ? Les parcours respectifs des époux Obama sont-ils vraiment aussi « exotiques » que le prétendent leurs détracteurs ? Ces accusations ne suintent-elles pas un racisme à peine dilué dans la mauvaise conscience ?
Passe encore pour Barack, qui a longtemps vécu entre Djakarta et Honolulu dans une famille aussi éclatée que modeste. Mais Michelle ? Fille d’un employé des eaux de la ville de Chicago (aujourd’hui décédé), intègre, travailleur, et qui, en dépit d’une sclérose en plaques précoce, est parvenu à élever ses deux enfants dans le respect des valeurs traditionnelles de l’Amérique, elle a grandi dans le quartier populaire et « colored » de South Side. Diplômée de Princeton et de Harvard (« je suis une exception statistique », dit-elle), elle fut une brillante avocate et dirige aujourd’hui en second, à 44 ans, un hôpital public de Chicago, où elle est chargée des relations extérieures et gagne fort confortablement sa vie (plus de 300 000 dollars par an). Très religieuse (Barack et elle sont membres de la Trinity Unity Church of Christ), elle est active au sein de sa communauté mais n’a jamais professé d’opinions extrémistes. Elle ne s’est jamais signalée ni par une vie sentimentale débridée (c’est le moins que l’on puisse dire) ni par des opérations financières illicites. Franchement, en dépit de son « exotisme », on voit mal ce qui l’empêcherait d’emménager à la Maison Blanche en janvier 2009.

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