Cameroun : des élections sénatoriales sur fond de crise socio-politique

À quelques jours des sénatoriales prévues ce 25 mars, les partis politiques affûtent leurs armes. Sauf surprise, le RDPC, parti au pouvoir, devrait remporter la majorité des sièges. Mais plus que jamais, la crise anglophone se trouve au cœur des débats de la campagne, lancée le 10 mars dernier.

Paul Biya à Yaoundé, lors du scrutin présidentiel de 2011 (archives). © Sunday Alamba/AP/SIPA

Paul Biya à Yaoundé, lors du scrutin présidentiel de 2011 (archives). © Sunday Alamba/AP/SIPA

Franck Foute © Franck Foute

Publié le 16 mars 2018 Lecture : 4 minutes.

La deuxième élection sénatoriale de l’histoire du Cameroun se tient le 25 mars prochain. Depuis le 10 mars et jusqu’au 24 mars, les neuf partis politiques en lice sont officiellement en campagne. Au sein des différents états-majors, l’heure est au déploiement sur le terrain. Objectifs : convaincre les 9 600 conseillers municipaux qui constituent le collège électoral et remporter les 70 postes en jeu.

La bataille semble pourtant déjà gagnée d’avance. Avec 4/5 des électeurs issus de ses rangs, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) fait office de grand favori. Des partis ont ainsi choisi de ne pas prendre part au scrutin : le Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (Manidem) ou le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) de Maurice Kamto.

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Pour le MRC, en effet, mieux aurait fallu organiser d’abord les élections municipales, dont les vainqueurs constituent le corps électoral des sénatoriales, plutôt que de reconduire les mêmes élus RDPC de 2013, lors des premières élections sénatoriales.

Le RDPC en pole position

Le RDPC n’entend pas pour autant baisser sa garde. Dans une circulaire dévoilée au cours d’une réunion stratégique qui s’est tenue le 9 mars dernier à son siège, son président Paul Biya a ainsi demandé à tous ses conseillers municipaux « d’exercer leur devoir de telle sorte qu’aucune voix ne manque lors du décompte final ».

Pour ce faire, les listes du RDPC ont été modifiées par rapport à celles de 2013. Des caciques tels que l’ancien Premier ministre Simon Achidi Achu ont été éconduits, tandis que des visages issus des milieux économiques ou du privé ont fait leur entrée.

Les arrivées les plus remarquées sont celles de Jean David Bilé, de Sylvestre Ngouchinghe, ou encore de Patience Minyem Eboumbou. Le premier, ancien directeur d’AES Sonel (l’ancienne compagnie d’approvisionnement en énergie), est candidat titulaire dans la région du Littoral, pendant que le second, célèbre homme d’affaires, intègre la liste de la région de l’Ouest. L’ingénieure en télécommunication Patience Eboumbou, quant à elle, passe de suppléante à titulaire dans la région du Littoral.

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L’opposition en rang de bataille

En face du RDPC, huit autres partis sont prêts à livrer bataille. Avec dix listes en course, l’UNDP a multiplié ses chances de devenir le parti d’opposition le mieux représenté au Sénat. Cette place est actuellement occupée par le Social democratic front (SDF) (14 sièges sur 100). Mais le parti de John Fru Ndi ne compte que cinq listes en compétition, après le rejet de celles des régions de l’Est, de l’Extrême-Nord, et le retrait de celle du Centre.

Les sénateurs SDF de l’Ouest et de l’Adamaoua se sont battus pour que la crise anglophone soit inscrite dans le programme du Sénat

Le parti se fait peu d’illusion sur l’issue du scrutin : « Notre préoccupation c’est l’élection présidentielle, l’élection municipale et l’élection législative. Les élections sénatoriales ne sont pas notre préoccupation », affirme ainsi à Jeune Afrique Jean Tsomelou, le secrétaire général du SDF.

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Sur le terrain pourtant, le SDF tente de s’attirer la sympathie des votants en touchant des sujets sensibles, tels que celui de la crise anglophone.

« Les sénateurs SDF de l’Ouest et de l’Adamaoua se sont battus pour que la crise anglophone soit inscrite dans le programme du Sénat. Pendant ce temps, les sénateurs RDPC du Nord-Ouest et du Sud-Ouest affirmaient que le problème des deux régions anglophones ne les concerne pas, alors qu’ils prétendent représenter ces régions. Nous présentons une équipe qui se battra pour la crise anglophone », a martelé Martin Forcha Ndobegang, le maire de la ville de Kumba (Sud-Ouest), lors du lancement de la campagne de son parti à Buéa le 10 mars.

La crise anglophone dans les débats

Au sein du parti au pouvoir comme dans l’opposition, la situation socio-politique que connaissent les régions anglophones préoccupe. Au cours de la réunion stratégique du comité central du RDPC, Paul Atanga Nji, membre influent dudit parti récemment nommé ministre de l’Administration territoriale, a présenté un exposé sur la situation sécuritaire qui prévaut dans ces régions.

La crise en cours fera partie des débats de la campagne, mais elle n’aura pas un impact sur l’issue du scrutin

Un débat incontournable, selon Mathias Eric Owona Nguini, politologue et enseignant à l’université de Yaoundé-II, joint par Jeune Afrique. « Bien sûr que dans les deux régions anglophones la crise en cours fera partie des débats de la campagne, mais elle n’aura pas un impact sur l’issue du scrutin. Le déroulement de ces élections sera peut-être mouvementé, mais les autorités en place prendront certainement des mesures pour que tout se déroule normalement », affirme-t-il.

De son côté, l’organe en charge des élections, l’Elecam, promet le bon déroulement des élections. « Le fait d’avoir une plaie ne signifie pas qu’on est malade et pourri […]. Des dispositions sont prises par les autorités compétentes pour que les électeurs fassent leur devoir », a affirmé Abdoulaye Babale, le directeur général de l’Elecam, au détour d’un point de presse du 23 février.

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