Crise au Burkina Faso : quelles conséquences pour l’économie ?

L’insurrection populaire qui a conduit à la démission de Blaise Compaoré a laissé des stigmates sur l’économie burkinabé. Toutefois, la défiance des investisseurs et les sanctions éventuelles des bailleurs de fonds pourraient avoir des conséquences beaucoup plus sévères. Décryptage.

Un manifestant à Ouagadougou, le 30 octobre. © AFP

Un manifestant à Ouagadougou, le 30 octobre. © AFP

Publié le 4 novembre 2014 Lecture : 3 minutes.

Les biens immobiliers de plusieurs proches – réels ou supposés – de Blaise Compaoré n’ont été pas épargnés durant la révolte populaire qui a entraîné la démission du président burkinabè. Les résidences de son frère cadet François ont été mises à sac. Des centaines de documents confidentiels, effets personnels et objets électroménagers ayant appartenu aux membres du cercle présidentiel ont été pillés. La résidence et au moins une entreprise de Alizeta Ouédraogo, présidente de la Chambre de commerce, d’industrie et d’artisanat du Burkina et belle-mère de François Compaoré, ont été vandalisées. Idem pour les domiciles privés de l’ancien ministre de l’Économie Lucien Marie Noël Bembamba et son collègue des Mines, Salif Kaboré.

La révolte populaire a aussi entraîné la destruction de biens appartenant à des investisseurs locaux à Ouagadougou, capitale administrative du pays et haut-lieu de l’opposition à l’ancien président. Les agences de Coris Bank international, n°2 au Burkina, ont fait les frais des pillards – même si les guichets ont rouvert dès le lundi 03 novembre. « On est ouvert. Mais, on n’a pas encore évalué les dégâts », confie une source anonyme proche de la banque, qui s’est refusée à tout commentaire.

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L’entreprise Bonkoungou Mahamadou et Fils (Ebomaf), active dans le BTP, a vu ses installations totalement détruites par les manifestants et évalue ses pertes à plus de 2 milliards de F CFA (3 millions d’euros).

Autre victime : West african trading and manufacturing (watam) qui a perdu 2 000 motos lors du pillage de son usine de Kossodo, près de Ouagadougou, son Martin Ouédraogo, chef de l’unité. L’usine Sofib (savon et huiles corporelles) de l’homme d’affaires Guinguinaba Barro à été incendiée à Bobo-Dioulasso, la capitale économique.

Aucune évaluation

Pour le moment, aucune évaluation chiffrée officielle n’est disponible. Mais, au regard de l’ampleur des dégâts ayant touché plusieurs édifices publics comme l’Assemblée nationale, les hôtels Azalai -totalement détruit- et Joly à Ouagadougou, le coût des dégradations constatées durant les « jours de colère » avant le départ de Blaise Compaoré devraient atteindre plusieurs centaines de milliards de F CFA.

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Plus important : « La destruction de biens va forcément jouer sur le niveau de production de l’économie. Par exemple, la destruction de l’hôtel Azalai, un des fleurons de l’industrie hôtelière Burkinabè, aura des conséquences sur l’emploi avec des agents mis au chômage technique mais également sur les capacités d’accueil du pays. Pis, les entreprises ou les unités de production saccagées vont faire faillite, selon l’importance des dégâts causés », décrypte Idrissa Ouédraogo, professeur d’économie à l’université de Ouagadougou.

Incertitude

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Aussi, bien au-delà des dégâts causés durant la révolte du 29 octobre, le risque le plus grand pour l’économie burkinabè réside ailleurs : dans la confiance des investisseurs et le soutien des bailleurs de fonds.

Si l’incertitude politique dans laquelle le pays est plongé devait durer, elle pourrait conduire les opérateurs économique, notamment dans le secteur des mines – qui a traversé une année 2013 difficile – à revoir leurs décisions d’investissements. Par ailleurs, si la lenteur de la transition vers un pouvoir civil devait entraîner la suspension de l’aide multilatérale, l’économie burkinabè serait fortement affaiblie. À elles deux, la Banque mondiale et l’Union européenne investissent depuis 2012 plus de 400 millions de dollars au Burkina Faso chaque année.

Ce sont en grande partie ces risques d’affaiblissement de l’économie en cas de persistance de la crise qui ont conduit les agences de notation Wara et Standard & Poor’s à placer sous surveillance négative la note souveraine du Burkina Faso. Elles deux devraient donner leur verdict définitif sur l’économie burkinabè au cours des trois prochains mois.

Nadoun Coulibaly à Ouagadougou, et Joël Assoko

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