Hydrocarbures – Hilaire Kaboré : « Après l’essence sans plomb, notre combat porte sur le soufre »

Hilaire Kaboré, patron de la Sonabhy, la société publique burkinabè chargée d’approvisionner le pays en produits pétroliers, a été porté le 14 mars à la présidence de l’Association des raffineurs africains. Il revient pour JA sur les objectifs de cette organisation, la qualité du carburant vendu en Afrique et sur la compétitivité des raffineries africaines.

Station service près de Pointe-Noire, Congo. © Antonin BORGEAUD/EditionsduJaguar

Station service près de Pointe-Noire, Congo. © Antonin BORGEAUD/EditionsduJaguar

Publié le 27 mars 2018 Lecture : 4 minutes.

Hilaire Kaboré, propulsé à la tête de l’Association des raffineurs africains (ARA) le 14 mars dernier, est un fin connaisseur du secteur des hydrocarbures. Cet ingénieur électromécanique, diplômé de l’école nationale d’ingénieurs de Bamako, a été le directeur d’exploitation puis promu directeur général de la Sonabhy en mai 2017, l’établissement public chargé d’approvisionner le pays en produits pétroliers (550 milliards de FCFA de chiffre d’affaires l’an dernier).

Objectifs de l’Association des raffineurs africains (ARA), qualité du carburant vendu en Afrique, compétitivité des raffineries africaines… Hilaire Kaboré se livre à JA.

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Jeune Afrique : Vous avez pris les commandes de l’Association des raffineurs africains le 14 mars dernier lors de l’assemblée générale qui s’est tenue au Cap en Afrique du Sud. Comment s’est faite votre désignation ?

Hilaire Kaboré : Lors de sa création, en 2006, l’ARA était portée principalement par des raffineurs qui acceptaient à leurs côtés les acteurs de l’aval du secteur, comme les distributeurs et les négociants, au titre de membres associés. Mais depuis trois ans, il y a une dynamique qui a permis à tous les acteurs de la filière de devenir des membres à égalité de droit. Avec mon arrivée à la présidence, c’est la première fois qu’un distributeur, la Sonabhy, et non un raffineur, accède à ce niveau de responsabilité au sein de l’association.

Quels sont vos objectifs ?

La feuille de route de mon mandat a été tracée par les travaux de la conférence annuelle de l’ARA [du 12 au 16 mars, ndlr] et de l’assemblée générale. Nous devons consolider l’association, car le potentiel d’adhérents possibles est encore considérable. Nous allons également renforcer l’assise financière de notre organisation, qui tire l’essentiel de ses ressources des cotisations des membres et de l’apport des sponsors.

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Les fortes attentes placées en notre association, notamment en termes de formation et de partage d’expériences, créent un volume d’activité intense, ce qui implique des besoins de financement de plus en plus élevés. C’est pourquoi, au cours de l’assemblée générale, nous avons décidé d’un relèvement des cotisations de 2 000 dollars par an.

La piètre qualité des produits proposés sur le continent est au centre du débat. Comment l’association se positionne sur cette question ?

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Nos relations avec les pouvoirs publics se sont accrus et nous nous sommes imposés comme un partenaire incontournable sur la qualité, un terme que nous divisons en deux volets essentiels, l’uniformisation des spécifications et le souci de disposer de carburants plus propres.

Si vous partez aujourd’hui jusqu’au Nigeria, vous vous apercevrez que chaque pays traversé dispose d’une spécification différente de l’autre, alors que vous roulez avec le même véhicule et le même moteur. Il est urgent d’arriver à une homogénéité de ces spécifications, et des possibilités d’amélioration existent.

Les attentes en matière de qualité vis-à-vis de notre association peuvent s’avérer excessives : nous n’avons pas de pouvoir institutionnel, ni coercitif

Quant à la question d’avoir des carburants plus propres, elle préoccupe aussi bien la société civile et les gouvernants que notre association. Depuis sa création, l’ARA n’a cessé de promouvoir des reformes allant dans le sens des objectifs de développement durable auprès des décideurs. Elle a énormément contribué à la définition d’un ensemble de spécifications, mis en œuvre de manière graduel. Nous menons actuellement une mission en Mauritanie avec des experts de l’Union africaine sur la question de la qualité des produits pétroliers.

Nous avons cependant l’impression que les attentes en matière de qualité vis-à-vis de notre association peuvent s’avérer excessives : nous n’avons pas de pouvoir institutionnel, ni coercitif.

Lors de la conférence annuelle de l’Ara, du 12 au 16 mars, les porte-paroles ont annoncé des succès au Mozambique, au Zimbabwe et au Ghana, qui ont considérablement renforcé leurs exigences en matière de qualité de carburant, qui sont maintenant proches des niveaux européens. Le Nigeria a également indiqué qu’il allait revoir ses normes d’importation dans le courant de l’année. Comment comptez-vous continuer à faire bouger les lignes ?

Nous sommes désormais regardants sur la pollution contenue dans les carburants. Grâce à un élan collectif, nous avons pu adopter l’essence sans plomb sur le continent [votée en 2002, la mesure est effective depuis 2006].

Il faut à la fois améliorer la qualité des produits et préserver les raffineries sur le continent

Notre combat actuel porte sur la question du soufre, dont les teneurs sont encore assez élevées par rapport aux standards mondiaux. Nous sommes conscients qu’il faut corriger cela, puisque cela a des effets nuisibles sur la santé, mais pour nous, la difficulté est double : il faut à la fois améliorer la qualité des produits et préserver les raffineries sur le continent.

Justement, le continent, qui produisait en 2015 plus de 8 millions de barils par jour, en raffine moins de la moitié. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?

Cela s’explique essentiellement par des questions d’investissement et de canaux de distribution. Aujourd’hui, le raffinage demeure une activité peu rentable, d’autant plus que le marché pétrolier est ouvert et très concurrentiel. L’Afrique a donc besoin de raffineries de taille critique pour être rentables et compétitives. Néanmoins, nous pensons que de bonnes perspectives s’annoncent avec le projet d’investissement de 12 milliards de dollars dans une raffinerie porté par l’homme d’affaires nigérian Aliko Dangote.

Pour nous, le privé africain doit prendre une part importante dans ce secteur. Nos raffineries ont besoin d’accéder à davantage de ressources pour réaliser les investissements nécessaires à leur mise à niveau. Cela permettra aux États de faire beaucoup d’économies sur la santé.

Quelle est la situation en Afrique francophone ?

Elle n’est pas si différente de celle en Afrique anglophone. Nous avons des raffineries opérationnelles au Niger, au Ghana, au Sénégal et même en Côte d’Ivoire.

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