Six mois sans bombes

Monrovia panse peu à peu ses plaies, mais la paix est encore loin d’être définitivement rétablie, souligne un rapport de l’International Crisis Group.

Publié le 1 décembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Les habitants de Monrovia ne sont pas près d’oublier les centaines d’obus de mortier qui, les 4 juin, 25 juin et 18 juillet, se sont abattus sur leur ville. Ils ont baptisé ces trois jours de cauchemar « World War I », « World War II » et « World War III ». Les combats entre les partisans de l’ancien président Charles Taylor et les rebelles du LURD (Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie) ont été si violents que, six mois plus tard, la capitale en porte encore les stigmates. D’autant qu’elle avait déjà été mise à rude épreuve par quatorze années de guerre civile quasi ininterrompue. Pourtant, à en croire un récent rapport de l’International Crisis Group (ICG) intitulé Liberia : Security Challenges, la population commence à se remettre du traumatisme. « La ville semble calme, les marchés sont ouverts et les affaires ont repris », estiment les auteurs.
De fait, les commerçants libanais, qui contrôlent l’import-export, se sont vite ressaisis. Longtemps obligés de louer les services de potentats locaux pour assurer leur protection, ils profitent aujourd’hui de l’afflux des étrangers travaillant pour les Nations unies et les ONG. Depuis l’arrivée de ces derniers, les prix des loyers flambent… Pour la première fois, souligne l’ICG, « on n’a plus l’impression que tout le monde espionne tout le monde ».
Tous les problèmes ne sont pas réglés pour autant. Dans plusieurs quartiers de Monrovia, Libériens et étrangers s’imposent à eux-mêmes un couvre-feu. Mieux vaut ne pas s’aventurer à Bushrod Island, terre d’élection du LURD, et pas davantage à Sugar Hill ou Paynesville, où les partisans de l’ancien président ont élu domicile. Mais la capitale n’est la seule à faire la douloureuse expérience des « poches d’insécurité résiduelle ». « De nombreux combattants sont disséminés à travers le pays ; ils se mêlent à une population civile épuisée et effrayée », souligne le rapport. Dans « les zones où la MINUL, la force de paix de l’ONU, n’est pas ou peu présente », ils continuent d’utiliser la violence « à des fins d’enrichissement personnel ».
C’est le cas de la route reliant Monrovia à Gbarnga, le fief de Taylor, dans le nord du pays, mais aussi du comté de Nimba, coincé entre la Guinée et la Côte d’Ivoire. À l’évidence, il sera impossible de sécuriser le Liberia tant que les trois factions armées qui se disputent le territoire – le LURD, les rebelles du Mouvement pour la démocratie au Liberia (Model) et les partisans de Taylor – ne se décideront à respecter l’accord de paix du 18 août. Il est vrai qu’« aucun chef de guerre ne peut vraiment prétendre contrôler ses hommes, souvent peu disciplinés et habitués aux pillages »…
La priorité est donc au désarmement des combattants avant les élections, prévues en octobre 2005 : ils seraient entre 48 000 et 58 000. Vingt mille d’entre eux auraient moins de 18 ans. La moitié de ces enfants-soldats seraient des filles. Piloté par les Nations unies, le programme de désarmement, démobilisation, réhabilitation et réintégration (DDRR) entrera en vigueur le 7 décembre. Chaque combattant qui acceptera d’être démobilisé recevra 300 dollars, bénéficiera de conseils psychologiques et d’une aide pour trouver un emploi, a promis Souren Seraydarian, l’envoyé spécial de l’ONU chargé du programme. À condition, bien sûr, qu’il (ou elle) restitue armes et munitions. Et apporte la preuve de son appartenance à une faction.
Les auteurs du rapport se montrent pourtant inquiets. « Les éléments les plus récalcitrants choisiront sans doute, comme en Sierra Leone, de franchir la frontière pour échapper au programme de désarmement », écrivent-ils. Au risque d’entretenir des foyers d’insécurité dans la sous-région. Autre problème : la faiblesse de l’engagement américain dans l’opération. La position prise par les États-Unis a « bloqué toute possibilité d’action après le cessez-le-feu du 17 juin et contribué à faire de Monrovia une ville très dangereuse », déplore l’ICG. Plusieurs responsables américains auraient reconnu qu’une intervention moins réticente de leur pays aurait permis de « réduire considérablement le nombre des civils tués ou blessés quand le LURD a pilonné la capitale ».
Ultime motif de désillusion : Taylor lui-même, dont on estime au siège bruxellois de l’ICG qu’il fait un peu trop parler de lui. « Il faut lui rappeler qu’il doit se soumettre aux conditions de son exil et cesser de s’impliquer dans les affaires du Liberia. » Faute de quoi le Nigeria pourrait être contraint de l’extrader vers la Sierra Leone (voire vers le Liberia), où il devrait répondre des crimes dont il est accusé.

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