Guinée : des militants du RPG et de l’UFDG incarcérés pour appels à la haine ethnique

Six militants politiques issus des rangs de la majorité comme de l’opposition ont été placés sous mandat de dépôt ce mercredi. Trois autres personnes sont en fuite. Tous sont accusés d’« incitation à la haine ethnique » dans le cadre des violences postélectorales.

Affrontements entre forces de l’ordre et manifestants, en 2015, à Conakry. © Youssouf Bah/AP/SIPA

Affrontements entre forces de l’ordre et manifestants, en 2015, à Conakry. © Youssouf Bah/AP/SIPA

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Publié le 13 avril 2018 Lecture : 3 minutes.

L’offensive contre la haine ethnique lancée, à la suite des violences postélectorales qui ont suivi le scrutin du 4 février par l’ONG Balai citoyen et le ministre guinéen de l’Unité nationale et de la citoyenneté, Khalifa Gassama Diaby, commence à produire ses premiers effets. Neuf militants politiques visés par des plaintes pour « incitation à la haine » sont dans le collimateur de la justice guinéenne. Cinq sont des militants du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG-Arc-en-ciel, au pouvoir) et quatre appartiennent à l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG, opposition).

Trois personnes en fuite

Mercredi, six personnes – cinq militants du RPG et un de l’UFDG – ont été placées sous mandat de dépôt à la Maison centrale de Coronthie, après avoir été déférées devant un juge d’instruction du tribunal de première instance de Kaloum, dans le centre administratif et des affaires de Conakry.

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Tous sont connus pour leurs sorties publiques tonitruantes, intervenant régulièrement dans les médias et sur les réseaux sociaux pour défendre leurs leaders respectifs, souvent par le biais de propos jugés « incendiaires » par le Balai citoyen de Guinée.

Trois autres militants de l’UFDG visés par des plaintes pour des faits similaires sont pour leur part considérés comme « en fuite » par la justice. Un mandat d’arrêt a été décerné à leur encontre.

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Trouble à l’ordre public et propos racistes

Ces inculpations interviennent à la suite du dépôt, le 22 mars, par le Balai citoyen, de plusieurs plaintes auprès des trois tribunaux de la capitale (Kaloum, Dixinn et Mafanco) contre les neuf personnes poursuivies aujourd’hui. Le lendemain, les plaintes étaient sur le bureau de la Direction nationale de la police judiciaire, et une information judiciaire a été ouverte dans la foulée.

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Le Parquet a saisi un juge d’instruction sur les faits de « production, diffusion et mise à disposition d’autrui de données de nature à troubler l’ordre ou la sécurité publique ou à porter atteinte à la dignité humaine par le biais d’un système informatique », d’ »injures, de menaces et de propos de nature raciste par le biais d’un système informatique » et de « communication et divulgation de fausses informations par le biais d’un système informatique ».

Copie de l'une des plaintes déposées par l'ONG Balai citoyen Guinée le 22 mars 2018. © DR / Document JA

Copie de l'une des plaintes déposées par l'ONG Balai citoyen Guinée le 22 mars 2018. © DR / Document JA

Tout sera mis en œuvre pour traquer ceux qui mettent de l’huile sur le feu

Joint par Jeune Afrique, Sékou Koundouno, président du Balai citoyen, conseille aux militants politiques de tous bords de « vendre le bilan du président Alpha Condé ou de promouvoir l’image de Cellou Dalein Diallo sans sacrifier le peu qu’il nous reste : le vivre ensemble ».

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Faute de quoi, prévient-il, « tout sera mis en œuvre pour traquer ceux qui mettent de l’huile sur le feu », citant, pêle-mêle, une éventuelle saisine de la Cedeao, de l’Union africaine ou des Nations unies. Sékou Koundouno menace également d’en appeler aux ambassades occidentales pour qu’elles refusent le visa ou l’asile aux auteurs de propos incendiaires. « La recréation est terminée », martèle-t-il.

Jusqu’à dix ans de prison

Les plaintes du Balai citoyen de Guinée s’appuient sur la loi relative à la cybercriminalité et à la protection des données à caractère personnel. « Les peines varient de 6 à 10 ans et les amendes de 100 millions à 450 millions de francs guinéens », explique Ibrahima Sory Tounkara, président du conseil d’administration du Réseau guinéen de cybersécurité.

>>> A LIRE – Guinée : la fragilité de l’État à l’origine de la résurgence des violences post-électorales

Mais au-delà du volet répressif, Ibrahima Sory Tounkara est convaincu qu’une « sensibilisation des différentes couches sociales peut freiner ces dérapages ». Selon lui, « il y a beaucoup de gens qui commettent des infractions sur le cyberespace sans même s’en rendre compte ».

Un appel à la sensibilisation et à l’éducation aux comportements à adopter en ligne que défend également l’ONG Destin en main, qui plaide elle aussi pour une vulgarisation des textes de loi qui punissent les appels à la haine.

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