Mahathir, les Juifs et J.A.I.

Publié le 2 décembre 2003 Lecture : 2 minutes.

Que Béchir Ben Yahmed estime que la « performance » de Mahathir Bin Mohamad, Premier ministre sortant de Malaisie, mérite qu’on lui consacre de « nombreuses pages », c’est sa liberté. Que François Soudan considère « Dr M. » comme « un exemple pour le monde arabo-musulman », c’est son droit. Et son problème. Mais que J.A.I. nous dise que son discours
ne relève pas de la judéophobie et qu’il mérite une « exégèse approfondie », voilà qui est bien scandaleux. Mahathir n’a pas simplement commis un texte antijuif. Il est judéophobe.
Il a employé au moins quatorze fois le mot « ennemi » (au singulier ou au pluriel) dans son texte. Pour lui, l’ennemi, c’est le peuple juif, ce peuple « arrogant » qui « dirige le monde par procuration ». Son discours reprend pratiquement tous les arguments utilisés
contre les Juifs depuis plus de deux mille ans pour justifier la persécution et le massacre de ce peuple. Il n’y manque, pour être complet, que l’accusation de déicide et l’évocation du protocole des sages de Sion.
Oui, vous avez raison : les Asiatiques n’ont pas de « contentieux direct avec les Juifs » et tout musulman n’est pas automatiquement antijuif, et inversement. Seulement, vous le savez, Mahathir s’est bel et bien exprimé en tant que musulman, à l’occasion d’une
conférence des pays islamiques et non pas lors d’une rencontre des pays du Sud-Est asiatique. Ce texte ne relève pas « du parler vrai et du parler cru » comme vous le dites.
Il est antijuif. Au moins en partie. Célébrer l’appel à l’unité des musulmans qu’il prône par ailleurs ne vous interdisait pas de le condamner comme tel. En fait de condamnation, vous publiez un texte de Eliot Cohen, « Juif converti à l’islam ». Or, ce texte, vous le savez bien là aussi, relève davantage de la parole-alibi que d’autre chose. Elle participe de cette logique curieuse de J.A.I. qui consiste à faire écrire systématiquement les « articles » sur Israël par un collaborateur juif du journal, par un journaliste juif du New York Times, par un ancien dirigeant (de gauche) de l’État hébreu ou par un intellectuel israélien. Ce qui pose problème, que l’on se comprenne bien, ce ne sont pas les articles en eux-mêmes (souvent justes et justifiés) mais plutôt la démarche : elle est suspecte et met mal à l’aise.

Réponse : Antisémite, Mahathir ? Vous l’affirmez, à l’instar de la plupart de ceux qui, hors du monde musulman, se sont exprimés à propos du « discours de Putrajaya ». Notre opinion est évidemment différente dans le cas contraire, nous n’aurions pas publié un tel texte , et cela même si nous estimons que « l’ex-Premier ministre malaisien aurait pu faire l’économie d’une telle controverse et, par voie de conséquence, éviter de donner à tous ceux que gênent son uvre l’occasion de le caricaturer ». Pour le reste, c’est votre propre démarche qui paraît bien étrange : en quoi le fait de demander à des journalistes juifs d’écrire sur Israël est-il condamnable ? Pour votre propre gouverne et puisque vous nous entraînez sur ce détestable terrain, celui de nos collaborateurs qui « couvre » le plus régulièrement dans nos colonnes l’actualité israélienne Marcel Péju
n’est pas juif, contrairement à ce que vous avancez. Nobody is perfect. Vous avez dit suspect ? F.S.

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