Léthargie arabe

Publié le 2 décembre 2003 Lecture : 2 minutes.

Salué un peu partout à travers le monde, l’Accord de Genève n’aura pas réussi à tirer les
dirigeants arabes de leur léthargie proverbiale. S’ils ne l’ont pas soutenu officiellement, ni critiqué ouvertement, ils n’ont rien fait, non plus, pour en expliquer les tenants et les aboutissants à leurs peuples. Pis : ils font comme si ce document
n’existait pas. Or ils auraient beaucoup à gagner à le soutenir. Pour au moins deux raisons. D’abord parce que cet accord ressemble au plan de paix du prince héritier
Abdallah, qu’ils avaient eux-mêmes adopté à l’unanimité lors du sommet de Beyrouth, en mars 2002. Les deux textes proposent en effet à Israël la paix et la sécurité, mais à
l’intérieur des frontières d’avant juin 1967, contre la création d’un État palestinien viable et indépendant. Ensuite parce que s’il venait à être comme une base pour la reprise
des négociations de paix israélo-palestiniennes, ce texte pourrait créer les conditions d’un règlement juste de la question palestinienne, et par conséquent apaiser les sentiments d’injustice et de frustration dont se nourrissent les mouvements intégristes qui infestent la région. Il aiderait ainsi à normaliser une situation régionale lourde de menaces
Comment expliquer le silence des dirigeants arabes vis-à-vis de ce document ? Empêtrés dans les contradictions internes de leurs régimes autocratiques, sommés par leurs opinions
publiques de voler au secours des Palestiniens, mais se sachant incapables de faire le
moindre geste dans ce sens, tétanisés par les menaces émanant à la fois du réseau terroriste el-Qaïda et du gouvernement américain, qui ne cessent de leur rappeler mais
dans des acceptions totalement différentes les vertus de la « bonne gouvernance », ces dirigeants voient dans la chute du régime irakien, l’anarchie qui règne actuellement en Irak, la multiplication des attentats dans la région (Djerba, Casablanca, Riyad, Istanbul) et le déchaînement de la machine de guerre sharonienne dans les Territoires autant de mauvais augures pour leur propre survie. Dans ces conditions, les récentes
déclarations du président Bush sur la nécessité de mettre fin à la répression exercée par les « élites » du Moyen-Orient contre leurs peuples ne pouvaient qu’ajouter à leur angoisse du lendemain. Face à tant de menaces, l’Accord de Genève pourrait apparaître, il est vrai, comme une simple bulle médiatique, une affèterie diplomatique, voire un gadget politique pour des intellectuels bien-pensants. Bref, tout sauf une priorité.
Cette vision est, bien entendu, complètement erronée. Car ce texte, bien qu’il n’ait pas
encore valeur de document officiel et ne figure sur aucun agenda diplomatique, pourrait aider à sortir le Moyen-Orient de son marasme. Les dirigeants arabes ont tout intérêt à l’adopter, à le soutenir et à le défendre dans les instances internationales, notamment
auprès des responsables américains, à l’expliquer à leurs peuples et à en faire la clé d’une offensive diplomatique visant à isoler davantage le gouvernement Sharon et à
démasquer sa politique expansionniste et belliqueuse. Ils ne l’ont pas fait. Et ils ont eu (encore une fois) tort.

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