Les raisons d’un désastre

Publié le 1 décembre 2003 Lecture : 2 minutes.

Herbert Murerwa et Gideon Gono, respectivement ministre des Finances et gouverneur de la Banque centrale du Zimbabwe, n’ont vraiment pas le beau rôle : ce sont eux qui ont été chargés de reconnaître publiquement la constante dégradation de la situation économique dans leur pays depuis 1998. Bien avant, donc, le déclenchement de la crise provoquée, en 2002, par la saisie de 5 300 fermes appartenant à des fermiers blancs.
Véritable rente, les terres exploitées par les ex-colons procuraient au pays l’essentiel de ses devises et de ses emplois (les deux tiers de la population active). L’échec de leur « confiscation », dont les notables du régime et les anciens combattants de l’indépendance ont été les principaux bénéficiaires, a achevé de ruiner l’économie zimbabwéenne. Seule une ferme sur dix est aujourd’hui opérationnelle. Les autres le redeviendront quand leurs nouveaux propriétaires auront appris à travailler la terre ou auront trouvé des exploitants plus qualifiés.
En attendant, Murerwa a été contraint de présenter, le 20 novembre, le projet de budget le plus calamiteux depuis l’indépendance : en 2003, la production a perdu 13,2 % de sa valeur, le taux d’inflation a atteint 600 % et le déficit budgétaire a représenté 11 % du Produit intérieur brut. Soit trois records du monde battus en une seule année ! Et la prochaine s’annonce pire encore. Selon le ministre, l’inflation pourrait atteindre 700 % au premier trimestre et le PIB perdre au moins 8,5 % de sa valeur.
Quant au gouverneur de la Banque centrale, il ne s’est pas encore résolu à dévaluer le dollar zimbabwéen (DZ), mais cela ne saurait tarder. Au marché noir, il faut 6 000 DZ pour acheter 1 dollar américain. Il n’en fallait que 5 500 en septembre et 3 400 en juin ! Pourtant, le taux de change officiel reste figé à 824 DZ. Dans les banques, la pénurie est telle que la police et le services des douanes ont été chargés de récupérer directement les devises auprès des touristes et des visiteurs étrangers. Avant que ces derniers n’aient eu le temps de les échanger sur le marché parallèle à un taux sept fois supérieur.
Le revenu moyen par habitant est aujourd’hui le plus faible du monde : 50 dollars au taux parallèle, soit vingt-quatre fois moins qu’en 1980. Comment en est-on arrivé là ? Bien sûr, diverses catastrophes naturelles ou « exogènes », qu’il s’agisse de la sécheresse ou de la baisse des prix des matières premières (coton, tabac, sucre, etc.), ont eu des conséquences désastreuses, mais celles-ci ont été encore aggravées par de très mauvaises décisions politiques. L’engagement militaire en RD Congo (1998-2202), par exemple, a été extrêmement coûteux. Les irrégularités qui ont marqué les dernières consultations électorales (législatives en 2000, présidentielle en 2002) n’ont évidemment pas arrangé les choses. Et l’expulsion précipitée des fermiers blancs encore moins, puisqu’elle a provoqué le gel de l’assistance financière extérieure. Le gouvernement ne peut plus compter que sur le soutien de l’Afrique du Sud et sur celui, toujours aléatoire, de la Libye (pétrole). Avec un taux de chômage de 70 % et de maigres ressources en perspective, on voit mal comment il pourrait tenir jusqu’aux prochaines échéances électorales : législatives en 2005 et présidentielle en 2008.

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