Les mauvais comptes font les mauvais partenaires

Après avoir enregistré, en septembre, un déficit commercial record avec Pékin, Washington accuse ce dernier de concurrence déloyale.

Publié le 1 décembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Les Américains ont beau considérer l’empire du Milieu comme un rival potentiellement dangereux – entendez sur le terrain économique -, cela ne les empêche pas de faire des affaires avec lui. En revanche, ce qui agace et inquiète les États-Unis, c’est un certain déséquilibre dans ces échanges. Ainsi, en septembre, Washington enregistrait un déficit commercial avec la Chine de 12,7 milliards de dollars (soit le quart du déficit américain). Un record ! Sur l’année, la note pourrait dépasser les 120 milliards de dollars. En d’autres termes, les États-Unis importent six fois plus de produits de la Chine qu’ils ne lui en vendent. À titre de comparaison, ce rapport est trois fois supérieur à celui qui caractérise ses échanges avec l’Europe.
L’administration Bush, qui tend à considérer Pékin-Shanghai-Canton comme « l’axe du Mal économique », ne peut se résoudre à observer ces récentes statistiques sans riposter. Sa stratégie de défense ? Montrer la Chine du doigt, en l’accusant d’imposer des quotas sur certains produits américains et de se livrer à une « concurrence déloyale ». À ses yeux, non seulement le géant asiatique dispose d’une main-d’oeuvre nombreuse et peu coûteuse – les salaires y sont sept à huit fois inférieurs aux standards occidentaux -, mais en plus il profite d’une sous-évaluation de sa monnaie. Le cours du yuan est effectivement arrimé à celui du dollar. Et la parité, contrôlée par l’État depuis neuf ans, ne fluctue jamais au-delà de 8,280 yuans pour 1 dollar, ou en deçà de 8,276 yuans pour 1 dollar. Conséquence immédiate : les produits chinois sont très compétitifs à l’export et inondent le marché américain, en dépit des mesures protectionnistes adoptées par Washington. Afin de rétablir un semblant d’équilibre, les autorités et industriels américains militent plus que jamais en faveur d’une libre fluctuation du yuan. Mais la partie est loin d’être gagnée.
Marie-Sybille de Vienne est maître de conférences en économie asiatique à l’Institut national français des langues et civilisations orientales (Inalco), à Paris : « Le déficit commercial des États-Unis par rapport à la Chine va continuer à se creuser. La logique veut que les importations américaines de produits chinois augmentent. Même si la Chine abandonne le contrôle des changes, le yuan restera certainement compétitif. En effet, pour que la monnaie soit réappréciée pour de bon, l’économie chinoise doit résoudre deux problèmes majeurs : la dette des entreprises étatiques et les créances douteuses. »
Si les produits chinois ont de plus en plus de succès auprès des consommateurs, c’est aussi parce qu’ils ne pâtissent plus de la mauvaise réputation du « made in China ». Pékin a vu ses exportations de jouets, de textiles, de réfrigérateurs ou encore de matériel informatique progresser de 32 %, en moyenne, au cours des neuf derniers mois. Le pays de Hu Jintao a d’ailleurs accédé au 4e rang mondial des exportateurs en 2002, avec un total de 366 milliards de dollars. Une croissance sans doute consolidée par son entrée à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en 2001.
Aujourd’hui, la moitié des biens exportés par la Chine sont fabriqués par des entreprises… étrangères, arrivées en nombre pour conquérir un marché intérieur de 1,3 milliard d’habitants. Les investissements étrangers, dont 70 % émanent de la diaspora chinoise basée en Asie du Sud-Est, ne tarissent pas. Selon les estimations, la Chine aurait ainsi reçu 500 milliards de dollars depuis 1978. Sans compter le transfert de technologie dont elle bénéficie grâce à l’obligation faite aux étrangers souhaitant s’installer de former une coentreprise avec des partenaires chinois.
Son statut d’« usine du monde » contraint par ailleurs le pays à importer massivement, notamment des matières premières comme le minerai de fer pour la construction automobile, le soja pour l’alimentation ou encore le pétrole pour alimenter la machine. Les importations augmentent de 40 % en moyenne chaque année. Certes, les États-Unis ne sont pas en reste – Pékin a promis d’acheter du coton américain pour pallier la mauvaise récolte 2003 et vient de passer une commande à Boeing et à General Electric. Mais ce ne sera pas suffisant pour que démocrates et républicains cessent leur China bashing (« tabassage de la Chine »). À quelques mois de l’élection présidentielle américaine, les premiers comme les seconds imputent à Pékin la perte de 2,7 millions d’emplois net depuis l’arrivée au pouvoir de George W. Bush…

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires