États-Unis : John Bolton, le retour du va-t-en guerre
Incendiaire, conservateur, adepte de Fox News… Avec la nomination de John Bolton à la tête du Conseil de sécurité nationale, Donald Trump a trouvé un homme à sa hauteur.
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Jean-Michel Aubriet
Ancien rédacteur en chef de la rubrique Europe-Amérique-Asie de Jeune Afrique.
Publié le 28 mars 2018 Lecture : 4 minutes.
Tribune. Il est douteux que Donald Trump ait jamais lu Saul Bellow. D’ailleurs, c’est bien simple, il ne lit jamais rien, pas même, paraît-il, les rapports préparés à son intention par ses collaborateurs. Il a tort, bien sûr. La troisième phrase de Ravelstein, le roman prémonitoire publié en 2000 par le grand écrivain canadien-américain, paraît écrite pour lui : « Celui qui veut gouverner l’Amérique doit d’abord la divertir. »
Le divertissement de ses compatriotes a longtemps constitué l’activité principale (avec le golf) de l’ex-prince de l’entertainment devenu, dieu sait pourquoi, président de la première puissance mondiale. L’inoubliable « You’re fired ! » balancé à l’adresse des pauvres types (et filles) viré(e)s de son émission The Apprentice est resté dans les annales de la bouffonnerie télévisuelle – où la concurrence est pourtant vive.
Le pire est que, désormais installé à la Maison Blanche, Trump reste, plusieurs heures par jour, scotché devant son petit écran. Dans l’agenda officiel, cette pénible addiction figure, dit-on, sous l’intitulé « Executive Time »… La vérité est que le chef de l’exécutif se soucie de la marche du monde comme de sa première bimbo siliconée. Seule l’intéresse la manière dont elle est racontée par les chaînes d’info. Et d’abord par Fox News, propriété de son « ami » Rupert Murdoch.
Tillerson, Cohn, McMaster… « fired ! »
Un plaisantin commentait récemment : « Si Trump vous voit à la télé, il y a de grandes chances qu’il vous embauche. » De fait, il écume les émissions politiques à la recherche de nouvelles têtes, tandis que les derniers cadors de son administration – « les modérés qui nous séparaient encore du chaos », comme dit le sénateur Bob Corker – sont débarqués comme le premier apprentice venu. Gary Cohn, conseiller économique : fired ! Rex Tillerson, secrétaire d’État : fired ! H.R. McMaster, conseiller à la Sécurité nationale : fired ! Et la liste est loin d’être close.
Parallèlement, des animateurs sortis de nulle part, ou presque, sont propulsés à de hautes fonctions gouvernementales : Larry Kudlow (de CNBC) devient conseiller économique ; l’avocat Joseph diGenova, qui n’a pas eu de mots assez durs pour dénoncer à la télé le « complot russe » ourdi par le FBI contre le président, intègre le staff juridique de la Maison Blanche ; Pete Hegseth, co-présentateur de l’émission « Fox & Friends Weekend », est nommé secrétaire aux Anciens combattants ; enfin, John Bolton renonce à commenter l’actualité sur Fox News pour prendre, ce 9 avril, la tête du Conseil de sécurité nationale (NSC). Cette dernière nomination est assurément la plus importante.
John Bolton et Mike Pompeo sont, depuis longtemps, sur la même longueur d’onde ultraconservatrice
Le NSC joue en effet un rôle essentiel. C’est lui qui, en matière de sécurité, harmonise les points de vue parfois divergents qui s’expriment au sein de l’administration : il met de l’huile dans les rouages. La bonne entente de son chef avec le secrétaire d’État est primordiale, même si, dans le passé, elle laissa souvent à désirer. Aucune crainte de ce type avec Mike Pompeo, qui, venant de la CIA, a été bombardé – si l’on ose dire ! – à la tête de la diplomatie, le 15 mars : Bolton et lui sont, depuis longtemps, sur la même longueur d’onde ultraconservatrice.
Bolton entre dans le « cabinet de guerre » de Trump
Contrairement à ses nouveaux confrères, John Bolton, 69 ans, est en effet très loin d’être un novice en politique. Membre de toutes les administrations républicaines depuis 1981, il fut notamment chargé des questions de désarmement par George W. Bush (2001-2005), puis, d’août 2005 à décembre 2006, ambassadeur à l’ONU, en dépit du mépris qu’il a toujours manifesté à cette organisation. Ne déclara-t-il pas un jour qu’on pourrait supprimer dix étages de la Maison de verre, à Manhattan, sans que personne s’en aperçoive ?
Bolton n’a jamais caché sa proximité avec la vieille droite américaine, autoritaire, affairiste et, à l’occasion… un rien antisémite
Il fut parfois présenté – à tort – comme un éminent représentant du courant néoconservateur, à l’instar d’un Paul Wolfowitz ou d’un Richard Perle. Or les « néocons » étaient presque sans exception des intellectuels juifs proches de la droite et de l’extrême droite israéliennes. Ni intellectuel ni juif, Bolton n’a jamais caché sa proximité avec la vieille droite américaine, autoritaire, affairiste et, à l’occasion… un rien antisémite.
En 1998, pour assurer la pérennité de la domination de l’Amérique sur le monde, garantir la sécurité d’Israël et, accessoirement, remporter les élections de 2000, ces deux droites résolurent d’oublier provisoirement leurs différences au sein du Projet pour un Nouveau Siècle Américain (Project for the New American Century) qui rassemblait tous les futurs ténors de l’administration Bush et plaidait – déjà ! – pour le renversement de Saddam Hussein. On sait ce qu’il advint.
Il éructe souvent ce que les autres osent à peine murmurer
Fils d’un sapeur-pompier de Baltimore, Bolton, bien que diplômé de Yale, est un type très cash, expéditif et gouailleur jusqu’à la grossièreté. Il éructe souvent ce que les autres osent à peine murmurer. Ses marottes du moment ? La dénonciation de l’accord sur le nucléaire iranien, le bombardement « préventif » de la Corée du Nord et le déclenchement d’une guerre commerciale contre la Chine. Bien sûr, Trump et lui sont loin d’être d’accord sur tout. L’un fut, par exemple, très hostile à la guerre en Irak, quand l’autre en était le chantre fiévreux. Et puis, à ce qu’on dit, le président supporte difficilement les imposantes moustaches de son nouveau conseiller à la sécurité, qu’il juge « ringardes ».
On ignore ce que ce dernier pense de l’extravagante houppette présidentielle… Mais il y a sans doute plus grave que cet antagonisme pileux. « Ne nous y trompons pas, c’est un cabinet de guerre que Trump est en train de mettre en place », avertit la politologue Kelly Magsamen. Ça promet !
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