Gouverner par anticipation

Circulation, assainissement, sécurité… les pouvoirs publics doivent adopter d’urgence une vision prospective.

Publié le 2 décembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Les grandes villes des pays du Sud sont souvent éclatées en plusieurs espaces distincts, le centre économique et politique étant équipé selon les normes des pays riches. En Afrique du Nord, le colonisateur a généralement préservé la médina, et installé à ses côtés une ville européenne, avec de larges avenues, des places et des bâtiments administratifs. Depuis l’indépendance, la ville d’origine européenne s’est arabisée, mais a gardé les centres de décision, tandis que la médina s’est transformée et modernisée. À Tunis, la cité historique a vu son espace s’élargir, les remparts ont été détruits, et la voirie améliorée. Mais les médinas, en se transformant, ont perdu leur mixité sociale d’origine. Certaines parties ont été rénovées tandis que d’autres sont devenues des taudis. En dehors de ces centres équipés, de très vastes quartiers pauvres, généralement sous-équipés, se sont développés spontanément à la périphérie. À Bamako, par exemple, l’essentiel des infrastructures de base est situé sur la rive gauche du Niger. Ainsi, 80 % des routes aménagées se trouvent à moins de 2 500 m du centre-ville, et seuls les quartiers proches du centre bénéficient de l’éclairage public et de l’eau potable.
Les villes se sont agrandies en cercles concentriques, principalement le long des axes de communication, comme les autoroutes urbaines ou les voies ferrées. Bamako s’est étendue rapidement sur la rive droite du fleuve Niger grâce à l’ouverture en 1960 du pont des Martyrs. Plus récemment, l’extension du Caire s’est faite en suivant la route qui mène à l’aéroport et le long de la nouvelle ligne de métro Nord-Sud. Au Caire, le mouvement est d’autant plus marqué que des villes nouvelles ont été construites à la périphérie, pour désengorger le centre. Mais ces villes, construites en plein désert, n’ont pas rencontré le succès espéré. En revanche, à Dakar, la ville nouvelle de Pikine, construite à 13 km du centre, est devenue une véritable cité de 1 million d’habitants. Certains pays envisagent de prendre des mesures autoritaires pour décongestionner leur capitale. Aux Philippines, les grandes entreprises n’ont plus le droit de s’établir dans un rayon de 75 km autour de Manille, qui compte déjà plus de 12 millions d’habitants. Et le gouvernement envisage de créer des villes « secondaires » dans différentes régions pour régionaliser l’industrie.
Nombre de villes du continent, essentiellement côtières, rencontrent de sérieuses difficultés pour s’étendre. Les nouvelles constructions se font sur des terrains inappropriés, marécageux ou à flanc de collines, sujets aux éboulements. Le cas d’Alger est exemplaire : les constructions les plus pauvres se sont développées sur des zones soumises aux effondrements ou aux inondations, ou sujettes aux séismes.
Les villes africaines souffrent ainsi d’une dispersion trop grande, qui augmente les coûts des infrastructures. Il faut plus de longueur de tuyaux ou de câbles pour équiper le même nombre de foyers. La qualité des matériaux de construction et l’absence de réglementation ne favorisent pas les constructions en hauteur. Des villes comme Bamako ou Ouagadougou dépassent déjà en superficie des métropoles européennes trois ou quatre fois plus peuplées. Les municipalités sont donc confrontées à la gestion de larges zones trop peu denses, mal construites et sous-équipées. L’adduction d’eau, le réseau électrique ou l’assainissement sont facilités par une certaine organisation géométrique de l’habitat et par des rues assez larges. Reste à les doter d’infrastructures assurant à leurs habitants une vie plus décente. Le pari urbain de ce nouveau siècle sera donc de poursuivre les grands travaux d’aménagement, tout en réhabilitant en douceur les territoires urbains abandonnés.

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