Du mauvais usage de la haine

Il ne suffira pas de diaboliser G. W. Bush pour le faire battre en 2004.

Publié le 1 décembre 2003 Lecture : 2 minutes.

Comment empêcher George W. Bush de conserver la Maison Blanche en 2004 ? Sûrement pas en le diabolisant, explique The Economist dans son numéro du 22 novembre. Notre confrère britannique s’étonne de la violence du rejet dont le chef de l’exécutif fait l’objet dans une partie de l’opinion américaine : la « haine de Bush » (Bush-hatred) est aujourd’hui le sport favori des intellectuels. L’un ne se contente pas de rejeter en bloc la politique du Toxic Texan, il abhorre jusqu’à sa façon de marcher et de s’exprimer. L’autre le compare carrément à Hitler, ce dernier étant toutefois jugé « bien meilleur orateur ». « Depuis quarante-quatre ans que j’observe la vie politique de ce pays, je n’ai jamais vu ça », s’effare le politologue Robert Novak.
Le problème est que, dans l’histoire électorale américaine, les présidents les plus détestés par les extrémistes, qu’il s’agisse de Richard Nixon ou de Bill Clinton, ont toujours été reconduits pour un second mandat. Et que ceux sur le sort desquels on avait tendance à s’apitoyer, de Gerald Ford à Jimmy Carter, ont été régulièrement battus. En tirant à boulets rouges sur leur adversaire républicain, les démocrates gagneront sans doute des voix sur les campus universitaires, mais ils ont peu de chances de rallier à leur cause les électeurs indécis du Deep South ou des banlieues des grandes villes. C’est comme ça : avec son amour des chiens, sa passion pour le base-ball, son élocution nasillarde et sa syntaxe approximative, « GWB » séduit une majorité d’Américains qui, sans doute, se reconnaissent en lui. Dans les sondages, la différence entre ceux qui approuvent sa politique et ceux qui, sur le plan personnel, ont de lui une opinion favorable est de l’ordre de vingt points, souligne The Economist.
De même que les accusations délirantes naguère portées contre Clinton provoquèrent une « gauchisation » de la politique des démocrates, la diabolisation de Bush a toutes chances de déboucher sur un infléchissement de celle des républicains dans un sens encore plus conservateur. En se focalisant sur le président et sa famille, il arrive d’ailleurs que les stratèges démocrates commettent de graves erreurs d’appréciation. Ainsi, lors des élections de la mi-mandat, l’an dernier, ils choisirent de concentrer leurs efforts sur la Floride dans le vain espoir de faire mordre la poussière au gouverneur Jeb Bush (le frère de), alors que leurs chances apparaissaient beaucoup plus sérieuses dans le Missouri, le Minnesota ou le New Hampshire.
Pour ne rien arranger, la « haine de Bush » manifestée par l’intelligentsia pourrait avoir pour effet paradoxal de resserrer les rangs républicains pourtant bien désunis actuellement. Il existe en effet des partisans de la rigueur budgétaire que scandalise la vertigineuse augmentation des dépenses publiques. Des libéraux libertaires inquiets des dérives de la loi antiterroriste adoptée après le 11 septembre 2001. Des conservateurs sociaux agacés par le peu d’empressement du président à défendre l’institution du mariage. Sous le feu des critiques les plus excessives, tous risquent de s’aligner comme un seul homme derrière le Texan toxique. Comme l’écrit notre confrère, « les démocrates devraient comprendre qu’il existe une énorme différence entre faire ce qu’on estime juste et faire ce qu’il faut pour remporter la course à la Maison Blanche ».

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