Dix cités au banc d’essai

D’Alger à Johannesburg, tour d’horizon des principales agglomérations africaines.

Publié le 2 décembre 2003 Lecture : 8 minutes.

Casablanca La capitale économique du Maroc frappe par la largeur de ses boulevards, le luxe de ses grands magasins et sa modernité architecturale. Dans un décor marqué par l’espace (héritage des réalisations du résident général Lyautey), 4 millions de Casablancais s’enorgueillissent du Mégarama, le plus grand cinéma d’Afrique, profitent de trente salles de projection. Les amateurs de culture pourront bientôt profiter du Grand Théâtre (trois mille places) qui verra le jour dans le centre-ville. Quant aux millions de visiteurs que draine la ville, ils sont accueillis dans un parc hôtelier haut de gamme.
Côté services publics, la gestion de l’eau et de l’électricité ainsi que l’assainissement ont été mis en concession, la Lydec (Lyonnaise des eaux de Casablanca) ayant décroché le marché. Mais tous les habitants ne bénéficient pas de ses prestations. Le taux de chômage avoisine 20 %, et plus de 200 000 ménages vivent dans un habitat insalubre, ce qui favorise la criminalité (hausse de 10 % des agressions physiques en 2002 par rapport à 2001). Sans compter le risque environnemental lié aux industries et au trafic routier (500 000 voitures), ce dernier étant la cause de 40 % des maladies respiratoires diagnostiquées à Casablanca.

Alger Alger déborde, Alger explose. La ville, qui ne comptait « que » 800 000 habitants au moment de l’indépendance en 1962, en rassemble aujourd’hui plus de 3 millions. Elle a progressivement rongé les vergers de Birkhadem et les collines du Sahel, sans pour autant pouvoir loger tous ceux qu’elle attire. Dès la fin des années 1980, les autorités ont estimé à 1 million le nombre d’habitations manquantes et se sont fixé comme objectif de construire environ 100 000 logements par an. L’objectif n’a jamais été atteint et les Algérois les plus pauvres s’entassent toujours dans des quartiers insalubres. Résider dans la capitale est devenu une gageure. Les loyers n’en finissent pas de croître ; la pollution et les embouteillages aussi. Alger s’asphyxie. Et manque d’eau : des pompages massifs ont été entrepris dans la plaine de la Mitidja depuis plus de vingt ans, mais cela n’a pas suffi. Aujourd’hui, les Algérois ont, en moyenne, de l’eau un jour sur deux.

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Tunis Conurbation d’une vingtaine de kilomètres de rayon, 25 000 ha de surface urbanisée et près de 2 millions d’habitants, Tunis ne cesse de repousser ses frontières et de mordre sur les terres agricoles environnantes. Partout, les quartiers résidentiels étendent leurs tentacules : El-Manar, Ennasr, les Berges du Lac… Le centre-ville historique, construit au début du XXe siècle à la lisière de la Médina, se transforme en centre d’affaires. De nouvelles zones industrielles sont érigées, ici et là, au gré des terrains disponibles. Dans la banlieue Nord, les villages pittoresques de Carthage, Sidi Bou Saïd et La Marsa se prolongent dans une zone touristique, où poussent des palaces.
La capitale tunisienne, qui dispose de toutes les commodités (eau potable, électricité, transports en commun, voirie, etc.), ne renferme plus aucun bidonville. Elle est néanmoins ceinturée par des quartiers populaires, comme la Cité Ibn-Khaldoun, Douar-Hicher ou Sidi-Hassine, où subsistent des « poches » de pauvreté et de délinquance. En dépit de sa densité démographique, de l’intensité du trafic routier et de la pollution industrielle, Tunis reste une métropole où il fait bon vivre.

Le Caire Peu d’immenses bidonvilles au Caire, mais une dangereuse tendance à la surélévation d’immeubles. Pour loger les 250 000 personnes qui, chaque année, viennent grossir sa population, la capitale égyptienne connaît une expansion verticale. Tout en multipliant, à sa périphérie, les « quartiers champignons », bâtis sans plan d’urbanisme et où plus du tiers des habitations n’ont ni eau ni électricité. Le Caire continue de grandir. Une croissance alimentée par un exode rural massif, entretenu par l’activité économique d’une ville où se concentrent la moitié des emplois publics et 40 % des emplois du secteur privé. Résultat : sur 600 km2, le Grand Caire compte environ 13 millions d’habitants la nuit, 16 millions le jour. La cité mythique est devenue l’une des plus grandes métropoles du monde arabe et du continent africain.

Dakar Dans la capitale sénégalaise, l’enfer rime avec voiture ! Les banlieusards, partis au petit matin, mettent souvent jusqu’à trois heures pour rejoindre le Plateau. Malgré les travaux d’extension réalisés sur la seule autoroute de la ville, construite avant l’indépendance, rien n’y fait : Dakar respire encore et toujours plus d’oxyde de carbone. Pour changer d’air, la municipalité a lancé l’idée de planter dans les années à venir près de 1 million d’arbres. Espérant décrocher le label de « ville verte », elle projette aussi de construire un parking souterrain de 1 500 places et une gare routière « ultramoderne ». Une fois décongestionnée, elle pourra se concentrer sur les dossiers en suspens : la création d’écoles et d’hôpitaux, l’extension de l’éclairage public et du réseau d’égouts. Pour ce faire, elle vient d’ailleurs de contracter auprès du Fonds africain de développement un prêt de 10 milliards de F CFA (15 millions d’euros). Objectif : assainir toutes les zones urbaines et périurbaines d’ici à 2010.

Abidjan Le problème majeur d’Abdijan est devenu celui de l’insécurité. À la délinquance et aux rackets qui caractérisaient la capitale économique ivoirienne est venue s’ajouter la forte insécurité liée à la crise politique qui a éclatée le 19 septembre 2002. Problème numéro deux, l’insuffisance des transports collectifs, qui rend les déplacements d’autant plus difficiles que la ville est fragmentée en dix communes mal reliées entre elles et que les distances sont parfois énormes (jusqu’à 40 km). Problème également d’engorgement automobile fréquent aux heures de pointe, notamment au niveau des ponts pour franchir la lagune. Avant la crise, l’offre en eau et en électricité était globalement convenable, et elle s’est à peu près maintenue. En revanche, on constate une nette tendance à la dégradation dans la collecte des ordures ménagères et la propreté. La demande en logements de standing moyen était forte avant la crise, mais depuis plusieurs années seul l’habitat précaire prolifère (Vridi, Koumassi, etc.). Actuellement, le marché immobilier est en chute libre. Côté vie culturelle, Abidjan conserve certaines activités, notamment pour les couches sociales aisées.

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Douala Délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Douala, Édouard Etondé Ekoto compte bien sur l’argent public pour transformer sa ville. Et grâce aux subsides de l’initiative de réduction de la dette des pays pauvres très endettés (PPTE), celle-ci a déjà commencé son lifting. Une quinzaine de grandes rues sont en cours de réhabilitation, les deux zones industrielles ont été désenclavées et plusieurs grandes artères ont été refaites à neuf. Au total, quelque 210 millions d’euros (140 milliards de F CFA) vont être mobilisés pour cette première tranche.
Mais pour le réaménagement global de l’agglomération, le budget nécessaire est estimé à 6 milliards d’euros ! Rénovation du centre-ville, création d’une rocade de délestage, doublement des ponts sur le fleuve Wouri, extension du port jusqu’à Limbe… L’habitat devrait également être privilégié, grâce notamment à l’aménagement du quartier Sawa Beach : un site de 1 000 hectares situé au sud du port et comprenant des espaces verts, un centre d’affaires et plus de 800 000 m2 de logements. Mais il en faudra beaucoup plus pour que les quelque 3,5 millions d’habitants que la ville comptera en 2015 y trouvent un toit.

Kinshasa Kin la Belle est aujourd’hui surnommée « Kin la Poubelle ». Le tissu urbain est en pleine décomposition, faute d’entretien et d’investissements, gelés par les années de crise et les guerres à répétition. Hormis à la Gombe, quartier central et administratif, l’état de la voirie et de l’assainissement laisse à désirer. Seules quelques rues ont été récemment réhabilitées à Lemba et à Matete, grâce à des financements octroyés par la Banque mondiale. Et les rares efforts entrepris pour l’évacuation des ordures et des eaux usées sont le fait d’ONG. Des quartiers peuvent être privés d’électricité pendant plusieurs semaines, faute de réparation des réseaux. Le parc des logements est globalement très dégradé et les bidonvilles fleurissent à la périphérie de la capitale congolaise. Les déplacements sont un calvaire pour les quelque 6 millions de Kinois en raison des distances énormes, du manque de transports collectifs et de la dégradation du parc automobile.
Enfin, l’insécurité est celle des grandes villes pauvres, avec son lot de petite délinquance. Les activités de loisirs sont en chute libre, par manque de revenus, et la vie sociale se limite souvent à la fréquentation des veillées de prière initiées par les nombreuses Églises évangélistes.

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Nairobi Nairobi est sorti de terre en 1889, grâce au chantier de construction du chemin de fer reliant Mombasa, la ville côtière du Kenya, à l’Ouganda. En 2003, cette ville, devenue capitale du Kenya en 1905, compte au moins 3 millions d’habitants, dont plus de 60 % vivent dans des bidonvilles. De l’époque coloniale reste un découpage très strict : au centre, un quartier d’affaires moderne, entouré, sur les collines de l’Ouest et du Nord par le quartier résidentiel, et à l’Est et au Sud par des lotissements réservés aux plus pauvres.
Sous le régime de Daniel arap Moi, Nairobi a changé de visage : devenues dangereuses, les rues se vidaient dès 20 h 30, à la fin du service des transports en commun. Aujourd’hui, sous l’impulsion du nouveau président, des grands travaux ont été engagés pour redorer le blason : 150 000 logements doivent être construits. Il faudra également assainir les bidonvilles. Un quart de la population de Nairobi n’a pas l’eau courante et doit s’en procurer auprès de bornes qui, si elles ne sont pas taries, ont bien souvent un débit très limité. Les habitants des bidonvilles paient, en outre, des loyers très élevés. Paradoxalement, à la périphérie de la ville, les malls, gigantesques centres commerciaux, se multiplient, destinés à contenter les besoins de consommateurs encore peu nombreux.

Johannesburg « The City of Crime ». L’image lui colle à la peau, statistiques à l’appui : 59 meurtres pour 100 000 habitants, plus 160 000 cambriolages pas an, un viol tous les quarts d’heure. Depuis la fin de l’apartheid, en 1994, les Blancs ont progressivement quitté le centre-ville pour se réfugier dans des quartiers ultrasécurisés, en proche banlieue, comme Sandton, devenu le poumon économique de la ville. Jo’burg est organisée de façon centrifuge : le coeur réservé aux Noirs et aux pauvres, est relié par de grandes autoroutes aux pôles économiques, industriels et résidentiels situés autour. D’après le dernier recensement de 1999, 6 millions d’habitants vivent dans l’agglomération – le centre-ville, les quartiers périphériques et les townships. Cette véritable mégapole regroupe 20 % de la population totale du pays. Forte de sa position dominante en Afrique, elle entend aujourd’hui jouer dans la cour des grandes villes occidentales. Elle a réussi son premier test en organisant en septembre 2002 le Sommet de la Terre. Et ambitionne d’être la première ville africaine à accueillir une Coupe du monde de footbal en 2010.

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