Leila Farah Mokaddem : « La BAD va financer un nouveau terminal aéroportuaire à Rabat »
Représentante de la BAD au Maroc depuis novembre 2017, Leila Farah Mokaddem présente à Jeune Afrique sa vision, ses ambitions et ses priorités pour son mandat.
La Banque africaine de développement (BAD) est le premier bailleur international du Maroc. Depuis le début de ses opérations dans le royaume, en 1970, plus de 160 opérations dans différents secteurs ont été financées, pour une enveloppe totale de 10 milliards de dollars. Ce qui fait du Maroc le premier client de la BAD. Leila Farah Mokaddem, nouvelle représentante de la BAD dans le pays, a pris ses fonctions en novembre dernier.
Elle partage à Jeune Afrique sa vision, ses ambitions et ses priorités pour son mandat.
Jeune Afrique : Le Maroc se prépare à mettre en place un « nouveau modèle de développement ». Quel est l’apport de la BAD dans ce chantier ?
Leila Farah Mokaddem : Nous le suivons avec beaucoup d’intérêt et nous adhérons à la réflexion autour de la définition d’un nouveau modèle de développement au Maroc. Le Royaume a réalisé beaucoup d’investissements durant ces deux dernières décennies. Il est urgent maintenant de transformer ces investissements en création d’emplois. Pour ce faire, deux priorités : renforcer encore plus la compétitivité des entreprises marocaines et élargir l’offre à l’export
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L’industrie marocaine a besoin d’un taux d’intégration plus important, notamment dans des secteurs porteurs, comme l’automobile, l’agro-industrie ou encore les énergies renouvelables. Des discussions sont prévues avec le gouvernement, pour mettre en place un programme de réformes conséquentes à partir de l’année prochaine.
Quelles sont les priorités de la BAD au Maroc pour cette année ?
Pour 2018, nous allons nous focaliser sur l’agriculture et le renforcement de chaîne de valeur agricole. Je suis aussi convaincue que nous ne pouvons pas travailler sur un secteur sans intégrer les autres. Il faut créer une synergie entre les secteurs et les départements ministériels devront, eux en premier lieu, mettre en cohérence leurs politiques respectives.
Mettre en place plusieurs plateformes d’infrastructures intégrées
Des pourparlers sont en cours avec le gouvernement pour mettre en place plusieurs plateformes d’infrastructures intégrées qui devront accueillir des projets, en agro-industrie principalement. Ceci permettra de créer de l’emploi dans des zones reculées, mais fera aussi beaucoup de bien à l’agriculteur.
On travaillera aussi sur le volet export, mais pour le moment il faut travailler l’amont. C’est lié, par exemple, à la gestion des ressources naturelles qui permettra de sécuriser des emplois durables. S’il n’y a plus d’eau, les terres n’auront aucun intérêt. Nous avons d’ailleurs plusieurs projets dans ce sens et principalement dans des régions qui connaissent un stress hydrique.
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Cette pénurie d’eau sévit dans plusieurs régions du Maroc, et les risques peuvent augmenter avec le temps. Que faut-il faire ?
La bonne gestion de l’eau est primordiale en Afrique et de facto elle l’est pour nous à la BAD. Nous sommes au Maroc le premier bailleur de fonds dans l’appui de ce secteur et des politiques mises en place par le gouvernement qui servent à mieux gérer cette ressource qui devient de plus en plus rare.
Depuis 1978, 13 opérations ont été financées pour un montant total d’environ 1 milliard d’euros. Je peux citer des projets de renforcement de l’alimentation en eau potable ou encore ceux qui visent l’amélioration de la qualité de l’eau. Des interventions qui ont ciblé plus de 15 millions de personnes, soit presque la moitié de la population. Nous avons aussi des programmes de soutien pour optimiser l’eau dans l’irrigation.
Le Maroc est confronté à un problème lié à l’investissement privé, principalement à cause du manque de capital. Le « nouveau modèle » que les autorités veulent mettre sur les rails, fait justement plus appel aux privés…
L’entrepreneuriat est extrêmement valorisant et il pourra absorber une partie du chômage. Ceci dit, il faut un accompagnement et aussi du financement. D’ailleurs, depuis que je suis arrivée au Maroc, nous avons mis en place au niveau de toute la région de l’Afrique du Nord des plateformes dédiées à l’entrepreneuriat.
Ces dernières regroupent toutes les initiatives mises en place et qui concernent, entre autres, les financements que nous mettons à la disposition des porteurs de projets.
Un don pour le programme Innov Invest de la Caisse Centrale de Garantie du Maroc
Il est possible maintenant d’accompagner quelqu’un de l’idée jusqu’à la réalisation du projet. Nous avons une préférence pour les dossiers innovants ou qui sont dans les secteurs technologiques. Nous sommes aussi en relation avec des fonds capitaux risqueurs qui sont sur le terrain et connaissent le monde de entrepreneuriat. Un don est, d’ailleurs, en train d’être négocié de quelques millions de dollars, le montant n’est toujours pas arrêté, pour appuyer le programme Innov Invest lancé par la Caisse centrale de garantie au Maroc.
La BAD s’est démarquée ces dernières années en finançant plusieurs projets d’infrastructure. Allez-vous continuer sur cette lancée ?
Nous avons une ambition pour renforcer l’axe économique Casa-Rabat-Tanger. Nous avons d’ailleurs finalisé les pourparlers autour d’un nouveau projet très ambitieux. Il s’agit de la construction d’un nouveau terminal à l’aéroport de Rabat pour faire passer la capacité de 1 à 4 millions de passagers.
Une modernisation des infrastructures est aussi prévue, le tout avec une belle architecture. L’objectif c’est de booster l’attractivité de la région et de permettre des liaisons plus fluides entre les différents pôles économiques du pays.
240 millions d’euros pour l’aéroport Menara à Marrakech
Nous avons une expérience solide dans ce domaine avec ce que nous avons déjà financé comme à Marrakech pour l’aéroport Menara, pour lequel nous avons accordé une ligne de 240 millions d’euros. Dans le domaine portuaire aussi nous sommes actifs. Le complexe portuaire Nador West Med qui sera livré en 2021 est financé à hauteur de 112 millions d’euros, sur les 914 millions d’euros que va coûter le projet.
Pour le secteur ferroviaire, le dialogue que j’ai, en ce moment, avec le gouvernement se focalise sur les zones qui ne sont pas encore reliées. D’ailleurs, nous voulons une connexion entre la ville de Nador et le port pour une meilleure intégration du complexe dans le paysage économique. Nous avons l’ambition de généraliser cette approche intégrée pour l’ensemble des projets que nous finançons.
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