Côte d’Ivoire : la position ambiguë du PDCI sur la réforme de la commission électorale
Quelle est précisément la position du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI d’Henri Konan Bédié) sur la Commission électorale indépendante (CEI) dont la réforme est réclamée par l’opposition et une partie de la société civile ? En deux jours, Jean-Louis Billon, porte-parole adjoint du parti et proche de Bédié est revenu sur des déclarations qui lui ont été attribuées, ce qui laisse transparaître la gêne de son parti sur la question.
Officiellement, il n’a rien démenti. Seulement, sa courte interview publiée dans Le Nouveau Réveil (proche du PDCI) a tout l’air d’un auto-recadrage. De fait, mercredi, dans une dépêche de l’Agence France presse (AFP), Jean-Louis Billon réclamait une réforme de la CEI, expliquant que celle-ci « répondait à l’époque à une réalité qui était celle de la crise ivoirienne, ce n’est plus la même aujourd’hui, il faut coller à la réalité du moment ».
Pour l’ancien ministre du Commerce, qui ne cache plus son ambition présidentielle et qui est partisan de la rupture de son parti avec le Rassemblement des républicains (RDR, d’Alassane Ouattara), « une CEI crédible et légitime est nécessaire pour crédibiliser les élections en 2020. Il faut la faire évoluer, on ne peut arriver en 2020 avec la même commission qu’on avait en 2010″.
Dans sa brève interview accordée au Nouveau Réveil, il a précisé sa pensée. « Je veux dire que ce que le PDCI-RDA réclame, suite au séminaire de Bingerville, c’est un redécoupage électoral. Ce redécoupage électoral, on le souhaite avant les prochaines municipales et régionales. Et j’ai ajouté qu’il y va de la crédibilité de la Commission électorale indépendante. C’est elle qui doit proposer ce découpage électoral, pour coller aux réalités régionales et municipales ».
Le PDCI réclame une réforme de la CEI, mais…
Ici, l’emploi des expressions « Je veux dire que » et « J’ai ajouté que » dénotent d’une volonté d’explication de l’interview qu’il avait accordée à l’AFP, et qui n’avait suscité qu’un démenti officieux de ses proches. À la lecture de sa dernière sortie, Billon est favorable au redécoupage électoral, réclamé depuis des années par le PDCI, mais reste silencieux sur la réforme de la CEI. Quelle est finalement la position de son parti, sur la question ?
Pour le savoir, il faut remonter au 11 janvier 2018. Nous sommes à Daoukro, village natal de Bédié. Ce jour-là, le patron du PDCI reçoit son « gouvernement » au grand complet. Le communiqué, alors occulté par une polémique née d’un conflit entre Maurice Kakou Guikahué, coordonnateur dudit secrétariat, et le ministre Kobenan Kouassi Adjoumani, porte-parole en chef du parti, est on ne peut plus clair. « Concernant les élections, toutes les zones (du PDCI) ont recommandé la réforme de la CEI, la reprise du découpage électoral et la révision de la liste électorale », lit-on dans ce document publié dans la presse proche du vieux parti, le lendemain.
Le parti devra sans doute prendre le risque de créer une crise institutionnelle
En clair, depuis janvier, le PDCI réclame officiellement, mais timidement, une réforme de la CEI et reprend ainsi l’une des principales revendications de l’opposition. Si Billon s’est corrigé sur la question de la réforme de la CEI (sans y renoncer), certainement sur pression des plus hauts responsables de son parti, c’est bien parce que le PDCI ne veut pas susciter le courroux d’Alassane Ouattara, à deux semaines de la première session du Sénat. La présidence de ce dernier devrait revenir à Jeannot Ahoussou-Kouadio, cadre du PDCI, à la fois proche de Ouattara et de Bédié, alors que la nouvelle institution sera dominée par des sénateurs proches du chef de l’État (qui en nommera trente-trois, sur les quatre-vingt-dix-neuf).
Par ailleurs, Youssouf Bakayoko, le président de la CEI dont le mandat de six ans non renouvelable est arrivé à échéance depuis deux ans selon ses détracteurs (lui estime qu’il reste légitime jusqu’en 2020), est issu du PDCI. Pour ce parti membre de la mouvance présidentielle du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), l’équation reste entière : comment pouvoir réclamer, un peu plus fermement, une réforme de la CEI, sans oser demander la démission de Bakayoko en qui Bédié n’a plus confiance depuis plusieurs années, encore moins lui retirer son mandat ?
Le parti devra sans doute trancher avant les prochaines élections municipales et régionales, dont la date n’est toujours pas connue. Et prendre le risque de créer une crise institutionnelle.
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