L’œil de Glez : au Botswana, l’exception présidentielle qui confirme la règle ?
Fait rare : un chef d’État écourte de dix-huit mois son mandat, pour respecter scrupuleusement une Constitution qui limite à dix ans le règne des présidents. Une fois de plus, le bon exemple vient du Botswana…
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 30 mars 2018 Lecture : 2 minutes.
Non, la fâcheuse mode du « touche pas à mon despote » n’est pas exclusivement africaine. L’abolition de la limitation des mandats du Chinois Xi Jinping et l’élection ubuesque du Russe Vladimir Poutine démontrent que le caractère narcotique du pouvoir est universel. Sur le continent africain, tout de même, les transitions conflictuelles sont légion, du Zimbabwe à l’Afrique du Sud, de même que les manipulations constitutionnelles avérées au Tchad, programmées au Burundi ou supputées en Guinée. C’est donc avec un étonnement non dissimulé qu’on accueille la nouvelle d’une démission présidentielle par méticulosité constitutionnelle…
Ce qui surprend moins, c’est que cette information vienne d’un pays régulièrement cité en exemple sur les questions démocratiques : le Botswana. La Constitution du « pays des Tswanas » limite à dix ans le règne de ses chefs d’État. Pointilleux, le locataire du palais présidentiel a décidé de renoncer aux derniers dix-huit mois que lui conférait son mandat actuel.
Au pouvoir depuis 2008, Ian Khama a signé sa démission et quittera officiellement ses fonctions, ce samedi, la veille de l’investiture du vice-président Mokgweetsi Masisi. Alors que des dynasties informelles se profilent en Afrique francophone, le métis de 65 ans né au Royaume-Uni n’a pas cherché à exploiter sa filiation, lui qui est le fils du père de l’indépendance, Sir Seretse Khama, chef d’État de 1966 à 1980.
Ian Khama a déclaré qu’il avait plein de projets pour l’avenir, très loin de la vie politique
Ian Khama quittera le pouvoir avec un niveau de popularité enviable. Cette semaine, c’est la ville de Serowe, dernière étape d’une tournée d’adieu dans 57 circonscriptions, qui a célébré le démocrate exemplaire, non sans l’implorer de renoncer à écourter son mandat. Aux doléances de prolongation, le président sortant a rétorqué qu’il n’était qu’un soldat – ancien pilote qui dirigea les forces armées botswanaises – et qu’il n’avait jamais eu de vocation politicienne. Il a ajouté qu’il avait « plein de projets pour l’avenir, très loin de la vie politique ». Des projets qui seront peut-être facilités par la kyrielle de cadeaux qu’il a reçus à Serowe : un véhicule 4×4, 143 vaches, des centaines de poulets, l’équivalent de 44000 dollars en liquide et une luxueuse caravane…
L’ancien vice-président, ministre des Affaires présidentielles et donc futur ex-président laisse un Botswana cité en exemple pour sa bonne gouvernance, ses politiques de protection de l’environnement ou encore sa forte croissance économique, en dépit de la baisse des cours mondiaux du diamant et d’un taux élevé de chômage.
À qui le tour ? Joseph Kabila, peut-être ? Par le passé Ian Khama s’était permis d’inviter le président congolais à respecter la démocratie et l’État de droit…
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